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me parut soucieux et un peu sombre : lui aussi hésitait à comprendre comme M. Gambetta la dépêche officielle, et bientôt des nouvelles plus précises démontraient l’erreur du ministre de la Guerre. Trompé par le nom pareil de deux villages différens, il avait attribué une portée stratégique exagérée à quelques avantages partiels et cru les lignes d’investissement rompues sur un point où notre succès eût été en effet décisif. C’était malheureusement un autre terrain moins important que nous avions occupé, de sorte que le résultat demeurait fort indécis. On sut le lendemain qu’à la suite de nouveaux efforts inutiles, et malgré des prodiges de valeur, l’armée avait dû rentrer dans l’enceinte. Sa jonction avec les troupes de province demeurait impossible et le blocus aussi rigoureux que jamais.

J’ai dit plus haut combien notre glorieuse et triste campagne sur la Loire, le mouvement en avant des troupes allemandes qui en fut la conséquence, augmentèrent l’ascendant du Chancelier sur les Puissances. Il parvint même à leur persuader qu’elles nous rendraient un mauvais service en nous montrant une sollicitude qui nous encouragerait à une vaine résistance et ainsi retarderait la paix. M. de Chaudordy avait beau déployer contre ces insinuations une fermeté et une activité d’esprit indomptables, donner à ses rapports avec les ministres étrangers le même caractère d’intrépidité calme ; renouveler, sans paraître jamais troublé dans sa confiance, son argumentation pressante, les faits favorisaient trop ouvertement notre adversaire pour que nos meilleurs efforts pussent dominer les raisonnemens qu’il opposait aux nôtres. En vain nos éminens chargés d’affaires à Londres et à Pétersbourg, M. Tissot et le marquis de Gabriac, se conformaient avec autant de zèle que d’expérience aux instructions incessantes du délégué, ils se heurtaient comme lui à des obstacles que les événemens fortifiaient chaque jour.

Notre chef, néanmoins, quelles que fussent ses intimes inquiétudes, dirigeait les négociations et l’ensemble des travaux diplomatiques comme s’il avait eu devant lui de sérieuses chances de succès et de durée. C’est ainsi que nous l’avons vu, au milieu des difficultés les plus graves, se préoccuper même des questions de personnel, dès qu’il jugeait nécessaire de les régler. Il ne le pouvait qu’à titre provisoire sans doute ; mais, outre qu’il entendait, à bon droit, être activement secondé, peut-être se plaisait-il à donner par ces mesures, tant en France qu’au dehors,