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contre-balancer l’influence de ce langage, très sincère sans doute, mais encore prématuré, il l’a dû certainement à son entente irrécusable avec son gouvernement et avec celui qui personnifiait au plus haut degré une politique, non pas intransigeante, mais contraire aux concessions trop promptes et trop onéreuses. Assurément les prévisions de M. Thiers n’étaient que trop fondées ; mais nous avions le devoir d’user jusqu’à la dernière extrémité des ressources de la diplomatie en vue de réserver nos chances, si faibles qu’elles fussent, d’éviter l’isolement et d’intéresser l’Europe à prévenir un dénouement désastreux. A vrai dire, c’était bien là, en tout état de cause, la mission même confiée à M. de Chaudordy, mission restreinte à cet effort, mais dans laquelle il devait se maintenir, comme un soldat à son poste, n’ayant ni à apprécier, ni à discuter les conditions de la paix. L’aide de M. Gambetta, en corroborant sa situation officielle, lui donnait l’autorité qui lui était indispensable pour accomplir sans hésitation l’œuvre confiée à son dévouement.


III

Il avait dû d’abord, ainsi que je l’ai indiqué plus haut, définir, dans sa circulaire du 8 octobre, l’état des choses tel qu’il résultait alors des événemens, des déclarations absolues de M. Jules Favre et de l’entrevue de Ferrières ; réfuter les théories allemandes, et démontrer à l’Europe les périls que l’ambition de la Prusse ferait courir à l’équilibre général. Ce premier travail étant accompli et cette base étant posée, il s’attacha désormais exclusivement à persuader les neutres, soit personnellement, soit par l’intermédiaire de nos agens ; à les engager dans des démarches favorables ; et à nous éviter ainsi le tête-à-tête que M. de Bismarck prétendait imposer à notre diplomatie. Il devait, sans se lasser, développer ce thème en profitant de toutes les occasions qui lui seraient offertes par les événemens pour fortifier son argumentation et en accroître l’évidence

Les ambassadeurs et ministres étrangers accrédités auprès de Napoléon III nous avaient suivis à Tours. Leur mandat n’ayant pas été renouvelé après le 4 Septembre, leur position n’était pas très régulière, mais nous avions tout avantage à l’accepter. M. de Chaudordy les connaissait de longue date, entretenait avec tous des relations courtoises, cordiales même avec quelques-uns. Les