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les plus flatteuses sur l’union de l’Angleterre et de la Russie, Il m’a conté son entretien avec M, de Talleyrand qui l’a fort étonné. Dans cette audience, l’ambassadeur lui a adressé un long discours dont la matière était le cours des vicissitudes de M. de Talleyrand. Il est vrai que parler de sa personne au lieu de parler de la puissance qu’on représente est nouveau en diplomatie. Le roi m’a demandé ce que je pensais de lui (Talleyrand). Je lui ai répondu que je croyais qu’un homme qui avait passé soixante-quinze ans dans l’intrigue n’oubliait pas le métier la soixante-seizième. »

Il convient de finir sur ce trait en ce qui concerne le séjour de la princesse de Liéven en Angleterre. Ce que nous en pourrions dire encore ne la montrerait ni moins acerbe, ni moins injuste dans ses jugemens. Celui-ci, rapproché de tant d’autres que nous avons cités, achève de démontrer comment elle avait compris et joua jusqu’au bout son rôle d’ambassadrice.


II

J’ai précédemment raconté en quelles circonstances prit fin le 30 août 1834, à la suite d’une assez perfide intrigue d’ordre diplomatique nouée par lord Palmerston, alors ministre des Affaires étrangères, la mission que remplissait en Angleterre le prince de Liéven[1]. Il n’y a donc pas lieu de s’attarder à ces incidens. Ce qu’il en faut seulement retenir, c’est que l’ordre impérial qui rappelait son mari à Saint-Pétersbourg en le nommant, il est vrai, gouverneur du tsarewitch, surprit la princesse en pleine confiance quant à la durée de son séjour et bien éloignée de s’attendre à ce rappel. Lorsque, l’année précédente, elle avait pu le redouter, elle était partie pour la Russie afin de le conjurer ; elle avait vu l’empereur, reçu de lui l’assurance que ses craintes étaient sans fondement ; en revenant à Londres, elle croyait le péril définitivement écarté. Dans l’excès de sa joie, elle écrivait alors à son frère :

« Cher, cher Alexandre, comment m’arranger avec mon bonheur de Russie et mon bonheur d’Angleterre, car je suis très contente aussi de me retrouver ici avec mon mari et mes habitudes et quelques bons amis. Cependant, si vous saviez comme

  1. Voyez la Revue du 15 septembre 1901.