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osseuse et bilieuse de Botticelli, qui a trouvé place dans la superbe Adoration des Mages de Santa Maria Novella (aujourd’hui au Musée des Offices), à côté du portrait de Julien de Médicis, la victime des Pazzi, reparaît dans le groupe confus des hommes qui se pressent autour du sacrilège amené devant Moïse. La large face du Pérugin, encadrée dans une chevelure crépue, triomphe, éclatante de vie, à côté du radieux visage de saint Jean, debout derrière saint Pierre qui reçoit les clefs de la main du Christ. Près du peintre, un homme âgé, vêtu magnifiquement d’une simarre de velours à fleurs et portant au cou une épaisse chaîne d’or, tient le compas des architectes : ce personnage est, selon toute vraisemblance, le Florentin Giovannino dei Dolci, constructeur de la chapelle et surintendant des travaux de décoration.

Dans la chapelle bâtie par Sixte IV, les peintres devaient être appelés à faire une large place aux parens de ce pape, qui gâta sa renommée de théologien savant et de franciscain austère par un népotisme impudent.

Le visage carré d’un vieillard, debout au premier rang des spectateurs groupés dans la fresque de la Vocation des Apôtres, a les traits de l’effigie mortuaire de Girolamo Basso della Rovere, le beau-frère du pape, dont le tombeau fut érigé dans l’église de sa famille, Santa Maria del Popolo. Les traits énergiques de Girolamo Riario, neveu de Sixte IV et capitaine de l’Etat pontifical, sont connus par un retable conservé à Forli et par une des fresques de Botticelli dans la chapelle Sixtine. Le capitaine, vêtu de velours noir, est placé derrière l’acolyte qui présente au grand prêtre le bassin et le rameau d’hysope pour le sacrifice des lépreux : tête nue, il tient le long bâton de commandement que Donatello a mis dans la droite du Colleone. Un autre guerrier, couvert d’une armure complète et le casque en tête, a pris place devant Moïse ; il est vu de dos et sa tête, tournée dans la direction de la Mer-Rouge, montre le profil de faucon des Malatesta de Rimini. Ce guerrier n’est autre, en effet, que Roberto Malatesta : général vénitien au service de Sixte IV, il gagna une bataille sur l’armée napolitaine à Campo-Morto, et, peu de jours après sa victoire, mourut à Rome de la fièvre. Le pape, reconnaissant, fit élever à son défenseur un tombeau dans la basilique de Saint-Pierre. Le bas-relief de ce tombeau, qui est passé au Musée du Louvre, porte un cavalier armé de toutes