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groupe, n’était en 1480 qu’un enfant prodige. Cependant il semble manifester déjà dans la Sixtine sa curiosité pour les ciels tourmentés en en peignant la nuée d’orage qui se déverse en grêle sur le Pharaon et sur son armée.

Pinturicchio, de même que Piero di Cosimo, était un apprenti, lorsqu’il entra dans la chapelle de Sixte IV : il y peignit en grande partie deux des compositions dessinées par le Pérugin : le voyage de Moïse vers l’Egypte et le Baptême du Christ. Le travail de l’assistant se reconnaît, près des figures exécutées par le maître, à des contours plus secs, à un modelé plus dur, à des formes plus grêles. Le jeune peintre de Pérouse ne sait encore déployer ses qualités de coloriste que dans le paysage. Devant un rideau de montagnes ombriennes, aux courbes longues et molles, il étend un coin de plaine, où passe un grand fleuve, le Tibre vu dans la campagne romaine.

La fresque qui représente la Vocation de saint Pierre est la première œuvre capitale du Pérugin qui ait survécu. Avant d’être appelé à Rome par Sixte IV, le maître ombrien avait exécuté une série de tableaux et de peintures murales pour le couvent des Gesuati, situé hors des murs de Florence, et qui fut détruit, avec la plupart des œuvres d’art qu’il contenait, pendant le siège de 1530[1].L’un des tableaux sauvés de ce désastre, le Christ au Jardin des Oliviers, conservé à l’Académie de Florence, a une ressemblance étroite avec la fresque de la Vocation de saint Pierre : le fond est animé par les mêmes figurines sveltes et mobiles, imitées des tableautins nerveux de Fiorenzo di Lorenzo ; les attitudes ont la même simplicité solennelle, les corps la même solidité sculpturale, les visages le même sérieux réfléchi. Sur la paroi mate et rugueuse de la Sixtine, le coloris a presque la même profondeur veloutée que sur le panneau luisant du musée florentin. Le Pérugin ignore encore les airs extatiques et les mines dévotieuses : l’amour dont s’illumine le visage imberbe de saint Jean tourné vers le Christ qui remet les clefs à Pierre est d’un sentiment sincère et ardent.

Signorelli eut en partage, dans la décoration de la Sixtine, deux sujets qui convenaient à sa main vigoureuse. Au-dessus

  1. L’importance historique des peintures exécutées par le Pérugin pour les Gesuati de Florence a été pour la première fois mise en lumière par M. l’abbé Broussolle, dans un livre savant et charmant, la Jeunesse du Pérugin et les origines de l’École Ombrienne, Paris, 1901, Oudin.