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passé sous silence ont été nommés par Vasari : Cosimo Rosselli avait été suivi par l’élève auquel il servait de père, Piero di Cosimo, et le Pérugin avait amené à sa suite son compatriote Benedetto di Betti, le Pinturicchio. En 1482, un autre Ombrien se joignit au groupe : il s’appelait Luca Signorelli de Cortone. Ce sont là des noms rivaux des plus glorieux. L’humaniste qui célébra l’achèvement de la Chapelle Sixtine put évoquer, sans ridicule, les ombres de Parrhasios, de Zeuxis, de Protogènes et d’Apelles, et les convier à visiter comme des égaux les peintres de Sixte IV[1].

L’ensemble des peintures était achevé avant le 15 août 1483, jour où la chapelle fut consacrée. Sixte IV, si l’on en croit Vasari, avait institué un prix de ce concours sans pareil institué par lui entre des maîtres. Le jour venu où les échafaudages et les toiles furent tombés, Florentins et Ombriens attendirent la visite pontificale, tout en daubant sur l’œuvre du voisin. Tous se trouvèrent d’accord contre Cosimo Rosselli : quelle pauvreté d’invention ! quel triste dessin ! Les lazzi pleuvaient drus sur l’artiste vieilli, quand le pape entra. Sixte IV promena sur les fresques son regard dur, et, dans le grand silence qui s’était fait, il adjugea le prix à Cosimo Rosselli.

L’auteur des Vite, en racontant l’historiette, insinue que le pape s’était laissé attirer par un éclat tout matériel. « Cosimo, écrit le biographe, avait cherché à dissimuler ses défauts en revêtant son ouvrage de fin azur d’outremer et d’autres couleurs vives ; il avait rehaussé les lumières avec beaucoup d’or, si bien qu’il n’y avait draperie, arbre ou nuage qui n’en fût pailleté. »

L’or et les couleurs précieuses brillent encore malgré les injures du temps, sur les trois fresques peintes par Cosimo Rosselli dans la Sixtine : l’histoire des Tables de la Loi, le Sermon sur la montagne et la Cène. L’élève attardé des derniers giottesques, les Neri di Bicci, rapetisse la fresque par l’emploi d’une technique de miniaturiste. Avec les matières coûteuses qu’il recherche, il ne sait pas composer les costumes brillans et les

  1.  ::« Nunc sua Parrasius contemnere lintea posset
    Cumque viris Zeuxis cederet ipse suis.
    Si nunc Prothogenes, si nunc remearet Apelles,
    Artifices cuperent, Sixte, videre tuos.
    Talia pontificem tantum monumenta decebant,
    Sic decuit magnos, Sixte, habitare deos. »