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Sixte IV, est reproduite dans un dessin de la collection Albertine, à Vienne.

Le pape qui dicta le sujet du tableau d’autel peint à fresque dans la Sixtine ne pouvait rester indifférent à la distribution des grandes scènes qui furent confiées aux peintres. Ancien général des Franciscains, le cardinal Francesco della Rovere a laissé des écrits qui aident à connaître les habitudes d’esprit du pape Sixte IV. Le plus connu de ces écrits, un traité sur le Sang du Christ, qui fut imprimé à Rome en 1472 par Filippo de Lignanime, montre une curiosité tendue vers les combinaisons et les « réussites » des symboles et des figures ; il résume en deux mots frappans, perdus dans un passage obscur, la conception théologique qui devait être l’idée-mère des fresques de la Sixtine : le Christ est un nouveau Moïse, Moses noster Christus.

Le plan spirituel des fresques de la vieille Sixtine a admis des subtilités, des transpositions, des harmonies compliquées et rares, qui supposent l’intervention directe d’un artiste scolastique, habile à composer avec des abstractions une sorte de musique sacrée. Aucune œuvre d’art chrétien n’avait encore représenté la circoncision du fils de Moïse avant que cet épisode oublié ne fût introduit parmi les fresques de la Sixtine, pour y former un accord mystérieux avec le baptême du Christ. Pourtant, le virtuose d’idées qui inventa des thèmes artistiques entièrement nouveaux pour les peintres, et qui n’était autre, sans doute, que le pape en personne, n’a pas tiré tout entier de sa science et de ses livres le programme qui fut imposé aux artistes. Le théologien n’a fait que raffiner sur des conceptions que l’art monumental avait traduites en images, avant le temps de Giotto. Le parallélisme des deux Testamens, les patriarches et les prophètes ancêtres du Christ par la chair et par l’esprit, n’est-ce pas le dogme et l’histoire que les peintres ou les mosaïstes enseignaient aux murs des nefs des basiliques italiennes, et les sculpteurs aux portails des cathédrales françaises ?

A quelques pas de la Sixtine, une sorte d’ébauche de la décoration qui fut donnée à la chapelle du palais pontifical resta visible jusque vers le milieu du xvie siècle dans la plus vénérable basilique de Rome : le long de la nef de Saint-Pierre, des peintures exécutées ou refaites à la fin du IXe siècle opposaient d’un mur à l’autre l’histoire biblique et l’histoire évangélique. Au-dessous des compositions alignées comme une suite de tableaux