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par un chérif Ouazzani. Mouley-ben-Abdallah, vers 1730, fut le fondateur de la ville d’Ouazzan, et ses deux petits-fils, Mouley-Taïeb et Mouley-Thami, prêchèrent la doctrine et organisèrent la double confrérie connue, en Algérie, sous le nom de Taïbiïn et, au Maroc, sous celui de Touhama.

Les chefs actuels de la confrérie et de la zaouïa vivent à Ouazzan, qu’ils gouvernent comme un fief à peu près indépendant ; ils parcourent, de temps en temps, le Maghreb, recevant les marques de la plus profonde vénération et recueillant d’abondantes ziara (aumônes). Mouley-abd-es-Selam, qui fut notre allié, vint en Algérie et demanda la protection du gouvernement français, a laissé cinq fils, dont l’aîné, Mouley-el-Arbi, est le détenteur actuel de la baraka. Mouley-el-Arbi n’aspire pas à jouer un rôle politique. Ni lui, ni ses frères, ni ses neveux, n’ont aucune velléité de devenir les compétiteurs de Mouley-abd-el-Aziz. « Pas de Sultan sans nous, pas de Sultan chez nous, » c’est la devise de leur loyalisme intéressé. Une prophétie leur a prédit qu’ils ne régneraient jamais ; au pouvoir temporel, avec tous ses risques et ses tracas, ils préfèrent leur autorité spirituelle, d’autant plus considérable et d’autant plus précieuse qu’elle est moins définie. Dans la crise actuelle, Mouley-abd-el-Aziz a trouvé un loyal appui dans les chefs de la maison d’Ouazzan, et aucun péril ne semble venir de ce côté pour la dynastie filalienne ; quant aux très nombreux cheurfa des branches cadettes, plus ou moins authentiques, il s’en rencontre par tout le Maroc, mais ils sont en général pauvres, sans influence, et il n’apparaît pas, quant à présent, qu’un prétendant puisse surgir parmi eux.

Du côté du Sud, au contraire, le Sultan ne suit pas sans appréhension les mouvemens qui, de temps à autre, agitent le Sous et le Tazeroualt, pays remuans et prompts à la révolte, pays de ferveur religieuse et d’intransigeante orthodoxie. Une prophétie très connue, — chose grave chez un peuple profondément religieux et fataliste, — annonce que les temps de la dynastie régnante sont accomplis et que le successeur du Sultan actuel viendra du Sous. Là-bas, dans l’Extrême-sud, au delà de Tiznit, Mouley-el-Hassan a lutté longtemps contre le fameux marabout Sidi-el-Hossein-ould-Hachem, chef de la zaouïa de Sidi-Ahmed ou Moussa, qui ne s’est jamais soumis que du bout des lèvres ; ces dernières années, son fils, devenu chef de la zaouïa, s’est