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langue et de l’influence françaises à leurs rancunes électorales. Les ancêtres de nos radicaux disaient, autrefois : Périssent les colonies plutôt que les principes ! Nos modernes anti-cléricaux sont prêts à sacrifier, en même temps, à leurs haines de secte et à leurs défiances de parti, et les intérêts supérieurs de la France au dehors et leurs propres principes. Car, il ne faut pas nous lasser de le répéter : en dépit de toute la sophistique de leurs avocats attitrés, ils mentent, effrontément, à leurs principes et à la triple devise de la République, quand ils s’opiniâtrent à couvrir leurs actes et leurs lois d’exception des nobles vocables de liberté et d’égalité. La liberté et l’égalité, elles sont avec nous ; elles sont du côté de ceux qui défendent l’égal droit de tous les Français devant la loi. Et, pour maintenir le prestige de la France au loin, et pour lutter à armes égales contre nos rivaux, nous ne revendiquons rien d’autre, en faveur de nos missionnaires et de nos religieux, que les droits reconnus à tous nos concitoyens et la faculté de servir librement la France et la langue française.


V

Il est temps de conclure. La question que nous avons examinée est aussi simple qu’elle est importante. Il s’agit de savoir ce que veut la France, et si elle est résolue à conserver son rang dans le monde pour y défendre son héritage d’influence et de grandeur. Par ce temps de concurrence illimitée entre les peuples et les races, chaque nation doit savoir quel rôle elle prétend jouer, quelle place elle entend garder. La France du siècle nouveau le sait-elle ? ou, le sachant, est-elle bien décidée à mettre ses actes, ses lois, sa politique en harmonie avec ses légitimes ambitions et avec les intérêts de la grandeur française ? Nous avons reçu de nos pères le protectorat catholique ; voulons-nous ou ne voulons-nous pas le conserver ? il faut savoir opter entre la résolution de le défendre et les velléités de l’abandonner ; et si nous prétendons garder le protectorat, il faut en savoir maintenir les droits et respecter les conditions. Nous avons, aujourd’hui, sur toutes les plages d’Orient et d’Extrême-Orient, des légions gratuites de missionnaires et de religieux qui sont partout les défenseurs de notre langue et de notre influence,