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gardera bien de les poursuivre à l’étranger. Loin de là, il continuera de protéger, au dehors, leurs établissemens comme des établissemens français. Il se peut même que les religieux et les religieuses expulsés de France cherchent un refuge à l’étranger, et renforcent ainsi les rangs des serviteurs de notre langue et de notre influence au loin. Cela n’est pas impossible, en effet ; mais, quand nos établissemens d’Orient ou d’Extrême-Orient devraient recevoir, du fait même des lois contre les congrégations, un nouvel afflux de religieux français, combien de temps en sentiraient-ils le bénéfice ? Comment pourront vivre et prospérer au dehors ces missions, ces écoles, ces collèges, dont la loi aura tari les ressources au dedans ? Comment leur personnel se pourra-t-il recruter ? et, s’ils ne peuvent tirer de France ni religieux, ni novices, comment tous ces établissemens pourront-ils garder leur caractère français ? Lorsqu’on coupe la source, il faut pourtant s’attendre à voir bientôt le ruisseau à sec.

Une bonne moitié de nos établissemens religieux à l’étranger, nous ne devons pas l’oublier, et souvent les plus considérables et les plus justement réputés, comme l’Université des Jésuites à Beyrouth, appartiennent à des congrégations non autorisées, c’est-à-dire, désormais, à des associations prohibées et poursuivies en France. Quand les membres de ces Compagnies que les lois nouvelles privent du droit d’enseigner trouveraient, durant quelques années, un refuge dans leurs écoles ou leurs collèges du dehors, quelle autorité veut-on qu’aient pour enseigner, à l’étranger, des maîtres que notre parlement aura déclaré indignes d’instruire la jeunesse française ?

Et quand notre gouvernement et notre ministère des Affaires étrangères auraient le courage de demeurer fidèles au dehors à la maxime du fondateur de l’opportunisme, s’imagine-t-on que l’Asie et l’Afrique, que la Turquie, l’Egypte, la Chine elle-même ignorent longtemps de quelle manière nous traitons, chez nous, ces Pères ou ces Frères dont nous continuerions à encourager les écoles au loin ? Le monde n’est pas si vaste, aujourd’hui, le Levant et jusqu’à l’Extrême-Orient ne sont plus assez distans de nous pour que les nouvelles de l’Europe n’y pénètrent, de toutes parts, rapidement.

À défaut du télégraphe et de la presse, nos rivaux européens sont là pour mettre à profit nos erreurs ou nos inconséquences et pour révéler, aux peuples d’Asie ou d’Afrique, quelle est l’estime