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drapeau et à notre langue une sorte de suprématie. A côté et au-dessus des missionnaires et des religieux de diverses nationalités pris individuellement, il y a les établissemens catholiques eux-mêmes : les missions, les couvens, les collèges, les écoles, les orphelinats, les hôpitaux où se trouvent souvent réunis des religieux de nationalités diverses. Or, ces établissemens par lesquels s’exercent l’influence ou la propagande catholique, nos trois couleurs continuent à flotter sur eux ; nous en pouvons revendiquer et conserver la protection ; et cela nous sera, naturellement, d’autant plus facile que plus grand, parmi leurs fondateurs ou parmi leurs hôtes, sera le nombre de nos nationaux. En outre, à côté ou en dehors des missionnaires et de leurs œuvres religieuses, il y a, en Orient et en Extrême-Orient, dans le Levant surtout, en Asie Mineure, en Mésopotamie, en Syrie, en Égypte, des catholiques indigènes, des clergés de rites divers, latins ou orientaux, d’antiques Eglises unies à Rome qui forment autant de petites nationalités chrétiennes, miraculeusement conservées, à travers les âges, dans le cadre séculaire de leur Eglise et de leurs rites. Ces Eglises forment proprement la clientèle catholique. Cette précieuse clientèle, elle nous appartient : elle a mis une touchante obstination à nous rester dévouée ; elle constitue moralement comme une sorte de France orientale, placée par les traités ou par la tradition sous la protection de nos représentans, et dont l’abandon ne serait rien moins, de notre part, qu’une honteuse désertion de nos devoirs et une véritable trahison des droits de la France.

Or, ces cliens traditionnels dont l’attachement à la France remonte souvent jusqu’aux Croisades, Latins du Levant, Maronites du Liban, Grecs Melchites, Arméniens Unis, Syriens, Chaldéens de la Mésopotamie, toutes ces communautés vivantes et vivaces, pour la plupart en voie d’accroissement et en veine de progrès, si elles constituent notre clientèle, si la Porte ottomane nous reconnaît ce titre et nous admet à en exercer les droits, c’est uniquement en vertu de notre protectorat catholique. Renoncer à ce protectorat, en négliger les devoirs, ou en rejeter comme usés ou surannés les instrumens traditionnels et nécessaires, c’est, que nous le voulions ou non, rompre le lien qui nous attache toutes ces petites Frances d’Orient. Pour être sûrs de conserver leur clientèle, il ne nous faut pas seulement continuer à les couvrir de notre protection diplomatique et servir d’intermédiaire