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sont toutes deux en train de devenir de grandes puissances catholiques.

Notre protectorat, nous l’avons remarqué, n’est déjà plus, sous la troisième République, ce qu’il était sous les gouvernemens précédens. Il est à la fois, et cela le plus souvent, par notre faute, diminué en importance et réduit en étendue, quant à son aire géographique. On pourrait dire que le partage, que le morcellement en a déjà commencé ; déjà, nous ne jouissons plus, en fait, du droit exclusif de protéger les religieux et les missionnaires de tous pays. Les grands Etats, presque tous du moins, se sont mis à réclamer, en Orient comme en Chine, la protection de tous leurs nationaux, fussent-ils religieux ou missionnaires. Nous ne sommes plus les seuls à donner des passeports à ces derniers. Les missionnaires allemands en particulier s’adressent déjà d’ordinaire à leur gouvernement. Nous n’aurons bientôt plus guère à protéger que nos missionnaires et religieux français. C’est, pour nous, une raison de plus de souhaiter que le nombre de ces religieux ne soit pas diminué, ni leur recrutement entravé par nos lois ; car notre situation en serait singulièrement amoindrie et nos prérogatives anciennes gravement compromises. Notre généreuse terre de France est encore aujourd’hui, de tous les pays du monde, celui qui fournit à l’Église le plus grand nombre de missionnaires, et celui qui fournit aux missions les plus abondans subsides. À ce double titre, alors même que la protection des religieux étrangers lui serait enlevée partout, la France conserverait une primauté incontestable. Elle n’a besoin, pour cela, que de liberté, du libre recrutement de ses missionnaires, de la libre collecte et du libre emploi des fonds recueillis par des œuvres telles que la Propagation de la Foi, qui n’est pas seulement une grande œuvre catholique, mais qui est, pour nous, un puissant agent d’influence nationale.

Ce serait une erreur, du reste, de penser que le protectorat catholique se borne uniquement à la protection individuelle des missionnaires et des religieux. Le protectorat a beau être diminué par la prétention de chaque puissance à protéger elle-même ses nationaux, il nous en reste des prérogatives considérables qu’il est de notre devoir, comme de notre droit, de maintenir. Il nous en reste, notamment, un double privilège que nos concurrens n’ont encore pu nous enlever, et qui, dans tout l’Orient, vaut à notre