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fois, aux yeux des peuples, Rome et Wittenberg. Quelles que soient d’ailleurs ses complaisances intéressées envers le Centre catholique et ses fastueuses avances au clergé romain, les catholiques allemands doivent sentir que, ces faveurs de l’Empereur-roi, ils ne les doivent qu’à ce qu’ils demeurent unis et qu’ils restent en armes, sous les bannières du Kulturkampf. Et, alors que les évêques de Prusse et d’Allemagne l’auraient déjà oublié, le vieillard du Vatican se souvient, malgré lui, des lois de Mai bismarckiennes et des jours encore peu éloignés où le duel avec Rome et la hiérarchie romaine était présenté à l’Allemagne et au monde, comme la mission historique du germanisme et comme la plus noble des tâches dévolues au nouvel Empire. Et, hier encore, en dépit des habiles sourires de l’Empereur allemand à ses fidèles sujets catholiques, n’avons-nous pas entendu les plus ardens champions du teutonisme, les pangermanistes qui se trouvent déjà à l’étroit dans l’Allemagne de Bismarck, et rêvent d’une plus grande Allemagne, donner comme mot d’ordre à leurs alliés d’Autriche le Los von Rom ? Comment nos voisins de Cologne ou de Munich s’étonnent-ils, après cela, que Rome hésite à confier la protection de ses religieux et de ses missionnaires à l’aigle noire des Hohenzollern, et à l’impérial chef de l’Église évangélique de Prusse, dût-il parvenir à se déguiser, pour ce nouveau rôle, en une sorte d’hybride Charlemagne, mi-luthérien, mi-romain ? L’empereur Guillaume II a réussi à démembrer notre protectorat catholique en Chine ; en politique positif, il ne s’est pas fait scrupule d’utiliser le massacre de quelques missionnaires allemands pour les profanes visées des ambitions allemandes. Le sang des martyrs lui a servi à justifier la mainmise de l’Empire sur Kiao-Tchéou et sur le Chan-Tung, au risque de déchaîner, contre les missions catholiques et contre les chrétientés de la Chine, les rancuneuses colères des mandarins et la fureur sauvage des Boxeurs. L’Empereur allemand parviendra peut-être, grâce à la complicité de nos anti-cléricaux et aux inconscientes trahisons de la politique radicale, à nous arracher encore, dans le Levant ou en Extrême-Orient, d’autres lambeaux de ce protectorat, si mal défendu de ceux qui en ont la garde ; il aura beau encourager ses sujets catholiques à réclamer de Rome la proclamation de notre d\3chéance, il ne saurait obtenir que l’Allemagne des Hohenzollern soit reconnue comme l’héritière légitime de