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clergé régulier ou séculier servent ainsi d’argument quotidien contre l’influence française et contre les droits de la France.

Certes, s’il ne considérait que les votes de nos majorités parlementaires et les procédés de nos derniers cabinets, le Saint-Siège aurait déjà prêté l’oreille aux conseils intéressés qui le pressent de nous enlever des prérogatives difficiles à concilier avec l’esprit sectaire d’une politique anti-cléricale. Heureusement pour nous que, jusqu’ici, le Vatican a su distinguer entre la France et le gouvernement français, qu’il a refusé de rendre la première responsable de toutes les fautes et les injures du second, s’obstinant à espérer que la fille aînée de l’Eglise ne tarderait pas à revenir à une politique plus en harmonie avec ses traditions et avec ses intérêts. Puis, à bien regarder les choses, si le Saint-Siège, malgré le peu de titres qu’ait à la bienveillance de Rome l’attitude de nos gouvernans, nous a conservé le protectorat accordé aux rois très chrétiens, c’est que, par un bonheur peut-être immérité de notre part, nos rivaux n’y sauraient, malgré tout, faire valoir de droits comparables aux nôtres ; c’est, en outre, que le Saint-Siège a de justes motifs de défiance contre les États qui, en Orient ou en Extrême-Orient, briguent visiblement notre succession, comme si elle était déjà ouverte.

L’Italie, par exemple, est au premier rang des États qui aspirent à nous supplanter dans ce rôle traditionnel décerné aux « Francs. » Plus clairvoyante que la nôtre, plus souple et peut-être plus dégagée de préventions sectaires, alors même qu’elle est officiellement en lutte avec le Vatican, la politique italienne est trop déliée pour se laisser emprisonner dans les sophismes de l’anti-cléricalisme, et trop habile, ou trop positive pour sacrifier les intérêts nationaux à aucune sorte de fanatisme, fût-ce celui d’ineptes libres penseurs. Elle sent tous les avantages que pourrait apporter à ses ambitions une mainmise sur le protectorat catholique. Elle y voit, non sans raison, le plus sûr gage de ce primato méditerranéen que rêvent encore, à défaut peut-être de ses hommes d’Etat, certains de ses philosophes politiques. Aussi, ne faut-il pas s’étonner si la diplomatie italienne, secondée ou stimulée par l’opinion presque unanime de la péninsule, cherche à s’approprier une part de l’héritage dont trop d’entre nous semblent faire fi. L’attitude du gouvernement royal, lors du procès intenté aux moines grecs pour leurs batailleuses entreprises contre les moines latins, dans l’affaire du Saint-Sépulcre ; l’importance