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pecter. Quant à la France, elle a fait ce qu’elle pouvait et devait faire jusqu’ici, en donnant à tous des conseils de modération et de prudence. Notre situation politique, et même territoriale, nous permet de parler avec d’autant plus de franchise et de netteté que, n’ayant pas de prétention personnelle à faire valoir, on ne saurait douter de notre, désintéressement. Aussi notre intérêt est-il celui de tous. Il peut se résumer en deux mots : la civilisation et la paix.


Nous nous bercions, il y a quinze jours, de l’espoir que les affaires de Venezuela touchaient enfin à leur dénouement. Depuis, le kaléidoscope s’est remis à tourner, et nous ne savons plus très bien où nous en sommes. Les alliés, — puisqu’il faut les appeler de ce nom, — ont émis une prétention qui parait difficile à soutenir, à savoir que, parce qu’ils ont fait un blocus, brûlé de la poudre et bombardé quelque peu, leurs créances doivent prendre un rang privilégié et être acquittées avant les autres, c’est-à-dire au détriment de celles-ci. M. Bowen a protesté, en quoi il a eu bien raison. Le fait, de la part d’un créancier, d’aller faire du bruit chez un débiteur récalcitrant, et même d’y casser quelques meubles, peut avoir des conséquences utiles, mais ne donne aucun droit particulier à celui qui en a pris l’initiative. Il en est ainsi dans le domaine du droit privé, et nous ne voyons, dans celui du droit public, rien qui soit en contradiction avec ce principe. Les alliés ont pourtant demandé à être payés les premiers : les autres le seraient ensuite, s’il y avait encore des fonds.

Les autres sont assez nombreux ; et, parmi eux, il y a au moins deux puissances qu’on ne saurait traiter par prétention : les États-Unis et la France. M. Bowen, parlant au nom du Venezuela, proposait d’affecter 30 pour 100 du revenu des douanes au paiement des créances nouvelles. Il y a lieu de rappeler que le Venezuela a déjà affecté 40 pour 100 des mêmes douanes au service des dettes anciennes, reconnues légitimes et réglées par des arrangemens internationaux. Il s’est donc dessaisi de 70 pour 100 du revenu de ses douanes, ce qui rend difficile de lui demander davantage, mais rend aussi plus nécessaire la participation de tous les créanciers aux 30 pour 100 concédés par M. Bowen. C’est là-dessus qu’on s’est disputé et presque brouillé. Les alliés ont proposé une fois de plus de s’en remettre à l’arbitrage du président Roosevelt. Il n’y avait certainement aucune chance de voir celui-ci revenir sur la décision qu’il avait déjà prise de s’abstenir, et de renvoyer les parties devant la Cour de La Haye. Que ne va-t-on devant cette Cour ? Elle est faite évidemment pour dénouer