Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/920

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maintenir dans les limites de l’innocuité, — Il fallait aussi être prévenu que cette liqueur produit un empoisonnement plus ou moins grave pour la santé si l’usage, même modéré, se répète fréquemment et en dehors des repas[1].

On voit que l’habitude de l’alcool ne peut pas maintenir l’organisme dans l’état d’intégrité normale et de parfait équilibre qui constitue la santé, puisque les tissus dégénèrent et subissent les processus de la stéatose et de la sclérose.

D’autre part, l’observation médicale enseigne quel est le critérium d’un régime alimentaire normal, d’une ration d’entretien. C’est précisément la permanence de la composition normale des tissus, le maintien absolu de leur constitution. L’alcool passé à l’état d’habitude dégrade l’organisme au lieu de le maintenir. A moins, par conséquent, que toute la pathologie de l’alcoolisme ne soit une fable, l’alcool ne peut faire partie en proportion notable et d’une manière durable d’aucun régime alimentaire d’entretien.

La question de l’alcool-aliment est donc résolue en ce qui concerne l’alimentation habituelle. Et c’est là le seul point qui intéresse le public. A moins qu’il ne s’agisse de quantités insignifiantes, il n’y a pas de place pour l’alcool dans l’alimentation rationnelle.

Le problème qui intéresse les physiologistes est autre. Ils n’envisagent que de courtes périodes. Ils cherchent à savoir ce que deviennent de faibles quantités d’alcool dans des expériences qui ne durent que quelques jours, non pour en tirer un programme d’alimentation populaire, mais simplement pour saisir le jeu et les secrets de la machine vivante.

S’il nous était permis d’écrire une préface pour une édition nouvelle de l’article de M. Duclaux et de nous adresser à ses lecteurs, voici ce que nous leur dirions : « Amis lecteurs, médecins ou simples curieux, buveurs ou abstinens, ennemis ou partisans de l’alcool, ne vous mettez pas en peine de ce qui est dit dans les pages que vous allez lire. Ce n’est pas à vous qu’elles s’adressent. Ne cherchez pas une règle de conduite dans ces expériences américaines ; il n’y en a pas. Comprenez bien que c’est un jeu de physiologistes, un jeu savant, sans doute, d’un

  1. Le régime quotidien de beaucoup d’ouvriers et d’employés, un litre et demi de vin, deux apéritifs et deux petits verres, amène en quelques mois les désordres organiques de l’alcoolisme. — Il en faut quelquefois beaucoup moins.