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d’hommes. D’un bout de la Russie à l’autre, toutes les femmes filent, tissent et brodent pendant les mois d’hiver, le plus souvent sans sortir de chez elles ou bien réunies quelquefois dans le petit atelier dont une société coopérative fait les frais. La meilleure toile est celle des gouvernemens de Iaroslav, de Kostroma et de Tver. Dans le premier, les hommes, pour éviter la pression des intermédiaires, se font marchands ambulans et transportent jusqu’au Caucase l’ouvrage de leurs femmes. Elles-mêmes exercent quelquefois ce rude métier de colporteur, afin de gagner un peu plus qu’on ne gagne à Kostroma par exemple où 2 000 tisserands produisent chaque année pour 70 000 roubles de toile et n’en reçoivent entre eux que 6 000. L’archine (deux tiers de mètre leur est payé un demi-copek, un copek au maximum.

Il n’y a pas moins de 17 000 ateliers ou demeures particulières renfermant 35 000 métiers à tisser le coton dans le gouvernement de Moscou. On y tisse de la percale et du madapolam pour 12 millions et demi de roubles, dont 2 millions seulement à répartir entre les ouvriers.

Les 20 000 tisserands du gouvernement de Wladimir n’ont à se partager par an que 400 000 roubles, 20 roubles pour chacun !

Les filatures de laine existent plus ou moins dans toutes les provinces russes, mais surtout dans le gouvernement de Kalouga.

Le tissage de la soie dans le gouvernement de Moscou remonte loin ; il rapporte chaque année par les mains des paysans 6 millions et demi de roubles ; 3 millions et demi dans le département de Wladimir. Ce chiffre de 10 millions égale presque celui que donnent les 203 manufactures des deux mêmes gouvernemens. Le canton moscovite de Grebenkov est le Lyon de la Russie ; on y fait annuellement pour 650 000 roubles d’affaires. Il n’y a guère de maison qui ne renferme un métier.

Le tissage de la soie et du velours dans le gouvernement de Wladimir indique par sa perfection que d’anciens ouvriers de fabrique, rentrés au village, ont instruit à fond les paysans. Beaucoup de femmes travaillent à la soie, ne fût-ce que pour dévider les cocons ; mais leur industrie spéciale est la broderie et la dentelle. Presque partout elles font de la dentelle, plutôt en ville, cependant, ou aux environs des villes, sauf une ou deux exceptions dans le gouvernement de Moscou ; par exemple le district de Podolsk qui est le centre de l’industrie dentellière compte 800