Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/898

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui ne rapporte que bien peu à chacun des 100 000 ouvriers qui s’y livrent. La matière première est fournie par des agens accapareurs du profit. Les jolis bijoux d’émail noir incrusté d’argent, les objets de fantaisie en acier et en métal composé, dit de Toula, sont fabriqués à domicile. Le pays qui entoure Toula est riche en minerai. La manufacture d’armes fondée par Pierre le Grand en 1712 pour l’utiliser, en témoigne ; elle emploie de 8 000 à 10 000 ouvriers ; mais ici nous nous écarterions des petites industries indépendantes. Parmi ses principaux produits, il faut citer cette parure des paysannes, les colliers de perles fausses exportés en quantité considérable du département de Moscou.

La poterie se façonne un peu partout. Il n’existe pas de grande fabrique. Le paysan reproduit les formes et les dessins traditionnels en y ajoutant ce que lui suggère son imagination. J’ai déjà dit que j’avais vu en Petite-Russie des faïences très joliment décorées. Les comités qui entreprennent aujourd’hui de faire l’éducation de ces potiers naïfs respectent leurs qualités naturelles, tout en les rompant au métier. Autant que j’ai pu le voir en visitant les Musées du peuple, ils ne les gâtent pas par le souci de ce qui est à la mode et réclamé par le commerce, péril à craindre malheureusement aussitôt qu’une autorité quelconque procure des classes techniques et des moyens de vente. De savans archéologues, de véritables artistes s’efforcent de maintenir dans son intégrité l’art russe ancien, d’y intéresser le monde. L’exemple a été donné par une femme, Mlle Polénova, qui, peintre et céramiste distingué, ancienne élève à Paris de Chaplin et de Deck, mit ses talens au service de l’enseignement des humbles. C’est elle aussi qui a fourni des modèles admirables aux sculpteurs sur bois, voyageant dans toutes les parties de la Russie où elle pouvait dessiner et collectionner des antiquités, prenant sur le vif les productions du génie national pour les donner directement au paysan, qui, disait-elle avec raison, rend plus facilement ce qu’il conçoit, ce qui lui est proche. L’école industrielle d’Abramtzovo, fondée dans un village dont les habitans, depuis des générations, s’appliquent à tailler et sculpter le bois, lui doit en grande partie sa prospérité. Il suffirait de développer de même le côté esthétique de plusieurs autres industries primitives et de leur assurer des débouchés pour qu’elles devinssent rémunératrices ; par exemple le tissage et la broderie.

Au tissage sont employées beaucoup plus de femmes que