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instrumens ajoutent à la voix : voce mista al dolce suono. Tantôt il définit les rapports de l’accompagnement et du chant :


E come a buon cantor buon citarista
Fa seguitar lo guizzo della corda,
In che più di placer lo canto acquista[1].


Tantôt ‘Purg. IX, in fine) il note avec justesse l’impression que nous cause l’accompagnement instrumental, « quand le chant se marie à l’orgue, et que tantôt on entend les paroles, tantôt on ne les entend plus. »

Dans une vallée fleurie, à la tombée du jour, Pierre III d’Aragon et Charles Ier, comte de Provence, entonnent ensemble le Salve Regina.


Quel… che s’accorda
Cantando con colui,


porte le texte. « S’accorda » signifie peut être l’unisson, peut-être cette forme primitive de la polyphonie à deux voix qu’on appelait le déchant. Quant à l’unisson véritable, et nombreux, on le rencontre souvent dans la Divine Comédie. Nous en citerons deux exemples entre tous admirables. Au second chant du Purgatoire, sur une mer frissonnante et que l’aube colore, Dante voit s’approcher une barque légère. Un ange de lumière et qui semble un « oiseau divin, » n’ayant pour rames et pour voiles que ses ailes, la conduit. Plus de cent âmes y sont assises et toutes chantent ensemble, ad una voce, le psaume : In exitu Israël de Egypto. Ailleurs — c’est au seizième chant du Purgatoire — le poète entend des voix :


Chacune semblait demander paix et miséricorde à l’Agneau de Dieu qui lave les péchés du monde.

Agnus Dei, ainsi commençaient toutes leurs invocations ; une seule parole était sur toutes les lèvres, avec un seul rythme, de sorte qu’entre ces âmes la concorde semblait parfaite.


Una parola in tutte era ed un modo,
Si che pareva tra esse ogni concordia.


En peu de mots voilà toute la définition et toute la psychologie, ou tout l’éthos, d’une des principales formes de la musique, d’une

  1. Parad., XX.