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mine de se jeter sur les autres bataillons. Le brave Kempsky se donna avec moi toutes les peines du monde pour retenir le bataillon qui n’était formé que de grossiers paysans de la Haute-Silésie. Nous n’y réussîmes que lorsque j’eus fait braquer les canons sur eux, en leur donnant ma parole d’honneur que je ferais tirer. La menace eut son effet et le bataillon reprit si bonne attitude qu’une grenade étant tombée dans ses rangs, et ayant abîmé quatorze hommes, il demeura néanmoins en bon ordre. Aucun homme ne pouvait tirer, et cependant le carré tint ferme, même lorsque la cavalerie l’entoura complètement. Le bataillon de landwehr Seydlitz (de Schweidnitz) a tenu durant tout le combat en bon ordre comme un vieux bataillon. »

C’étaient là les combats d’avant-garde. On nous décrit ensuite la première rencontre de l’infanterie française de la division Charpentier avec le gros du corps prussien. Les Français sont montés sur le plateau ; les Prussiens voient devant eux trois bataillons en carré et quatre pièces d’artillerie. La première ligne, le second bataillon du régiment de Brandebourg en tête, — c’était un régiment de ligne, — s’avance contre les carrés français, recevant le feu de l’artillerie. « Ce qui tombait, tombait, le reste avançait, » écrit un officier du régiment. « Arrivés à portée de fusil, nous doublâmes le pas, nous abaissâmes nos armes, et nous abordâmes à la baïonnette, avec des hurrahs terribles, le carré du milieu, un carré de grenadiers français. Le carré se tenait ferme comme un mur. Nous approchâmes à deux pas. Un instant nos hommes se tinrent en face des Français et, des deux côtés, on se regarda. Nous autres officiers, nous criâmes : « Allez, allez. » Les soldats retournèrent leurs fusils et se mirent à frapper à coups de crosse. Le carré fut bientôt entouré à droite et à gauche, attaqué de toutes parts. Il n’y avait plus de quartier. En dix minutes, le carré fut à terre et transformé en pyramide, 150 hommes sortirent vivans du tas de cadavres, on les fit prisonniers. » Mais le premier élan des bataillons français n’avait pas été arrêté seulement par les résistances de l’infanterie prussienne. L’intervention de l’artillerie du corps de Sacken, que le général russe avait mise en action dès l’apparition de la division Charpentier sur le plateau, avait puissamment contribué à faciliter la résistance du corps de York.

Les Prussiens ont moins complaisamment décrit l’épisode qui suivit ces premières rencontres. Leur cavalerie de réserve,