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couronne. Il semble que désormais la révolution soit désarmée. Mme de Liéven s’apaise, retrouve sa sérénité et commence à justifier ce jugement que, l’année suivante, son amie lady Granville portera sur elle : « Elle devient célèbre par sa politesse et ses empressemens à tout le monde. Sa manière est très admirée et, autant qu’on peut voir, un grand changement a eu lieu. Les convenances sont respectées. Elle est sur le ton le plus amical envers son mari et a pour lui les plus grands égards. »

Ses lettres à son frère témoignent de cet apaisement. Son cher Arrar était venu la voir l’année précédente et elle avait été heureuse de le recevoir à Londres. Bien tendrement, elle lui exprime le regret de ne pouvoir lui faire encore cette année les honneurs de la capitale de l’Angleterre.

« Pauvre petit frère, que je vous plains et moi aussi ! J’espérais vous revoir ici, j’avais calculé même que l’époque de votre arrivée serait celle que j’avais destinée à mes visites dans le pays, que nous irions ensemble, que vous vous amuseriez comme je l’ai fait, que nous admirerions ensemble ce beau pays, ces magnifiques établissemens, que nous ririons ensemble de la gaucherie de leurs possesseurs, mais que nous trouverions, comme je l’ai trouvé en effet, qu’on consentirait à être gauche au prix du bonheur qu’éprouvent ces gens-là et qu’ils répandent, Au reste, on trouve sous ces écorces peu provocantes un si grand fonds de bonhomie, de cordialité et de bon esprit qu’on peut quelquefois se rétorquer le compliment et se trouver fort gauche du jugement qu’on a porté. »

Suit la nomenclature des visites qu’elle a faites durant l’été, et qu’elle fera désormais les années suivantes jusqu’à la fin de son séjour en Angleterre. Lady Harriett, lady Granville dont elle goûte fort les qualités d’esprit et de cœur, le duc de Devonshire, dont la maison « est digne d’un empereur, » l’ont reçue tour à tour et fêtée. Peu à peu ces relations vont s’étendre. Elle sera accueillie par toute l’aristocratie anglaise, qui ne fait que suivre l’exemple de la famille royale, pour qui, à Brighton et à Windsor, il n’est pas de fête complète quand Mme de Liéven n’en est pas. A la même époque, M. De Merveld, ambassadeur d’Autriche à Londres, étant mort, le prince Paul Esterhazy vient le remplacer. « C’est une fort bonne acquisition pour nous. Sa femme va arriver au printemps. »

Ce qui ne lui plaît pas moins, c’est que Londres est, en cette