Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/483

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le mois de septembre, sur le fait même qui a donné prétexte à cette intervention, c’est-à-dire sur le passage des contre-torpilleurs à travers les détroits, et il s’en est abstenu. Cela donne à croire qu’il n’y attachait pas, lui non plus, une extrême gravité. Et, en effet, cette gravité n’est pas bien grande. Mais il est piquant de constater qu’au Congrès de Berlin, en 1878, les plénipotentiaires anglais ont déclaré qu’à leur sens le sultan était seul juge et seul maître de la clôture des détroits, tandis que les plénipotentiaires russes ont soutenu qu’il y avait là une obligation d’un caractère international que le sultan, comme toutes les autres puissances, devait absolument observer.

L’incident vaut la peine d’être rappelé. Il s’agissait de l’avant-dernier article du traité, qui est ainsi conçu : « Le traité de Paris du 30 mars 1856, ainsi que le traité de Londres du 13 mars 1871, sont maintenus dans toutes celles de leurs dispositions qui ne sont pas modifiées ou abrogées par les stipulations qui précèdent. » Lord Salisbury, second plénipotentiaire britannique, demanda à propos de cet article l’insertion au Protocole de la déclaration suivante, qui n’engageait, disait-il, que son gouvernement : « Considérant que le traité de Berlin changera une partie importante des arrangemens sanctionnés par le traité de Paris de 1856, et que l’interprétation de l’article 2 du traité de Londres, qui dépend du traité de Paris, peut aussi être sujet à des contestations, je déclare de la part de l’Angleterre que les obligations de Sa Majesté Britannique concernant la clôture des détroits se bornent à un engagement envers le sultan de respecter, à cet égard, les déterminations indépendantes de Sa Majesté, conformes à l’esprit des traités existans. » Cette phrase n’est pas bien claire : elle ne peut toutefois avoir qu’un sens, à savoir que l’Angleterre reconnaît l’indépendance du sultan en ce qui concerne les détroits, et s’engage à respecter à cet égard les déterminations qu’il prendra. Nous ignorons quelle suite a été donnée à Constantinople à la plainte récente de l’Angleterre : on aurait pu se borner à répondre par la déclaration de lord Salisbury. Mais cette déclaration n’est pas passée purement et simplement au Congrès de Berlin. Le comte Schouvaloff dressa l’oreille en l’entendant, et se réserva aussitôt de faire insérer au Protocole une contre-déclaration s’il y avait lieu. Il trouva qu’il y avait lieu de le faire effectivement, car le lendemain il apporta la rédaction que voici : « Les plénipotentiaires de Russie, sans pouvoir se rendre exactement compte de la proposition de M. le second plénipotentiaire de la Grande-Bretagne, concernant la clôture des détroits, se bornent à demander, de leur côté, l’insertion au Protocole