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la vie les raisons mêmes de vivre. Que feraient les anciens s’ils ressuscitaient parmi nous ? cela est assez difficile à imaginer avec quelque précision ; mais, d’ailleurs, on peut dire sur ce sujet tout ce qu’on veut;, librement et avec assurance, car on sait bien que les anciens ne ressusciteront pas exprès pour le plaisir de nous apporter un démenti. Quant à la formule qui réaliserait tout à la fois « le vœu de l’humanité en général et la gloire de la France en particulier, » j’avoue humblement ne pas même la soupçonner. Si quelqu’un possède cette heureuse formule de l’universelle réconciliation, de grâce, qu’il s’empresse de nous l’enseigner ; qu’il consente à ne pas la garder pour lui ; qu’il la mette à la portée de tous, sans perdre ni un jour ni une heure ! Il nous épargnera tant de divisions, tant de tristesses, tant de maux ! On est coupable, ayant la main pleine de vérités, de ne pas l’ouvrir ! Qu’il se hâte, cet homme providentiel ! Et qu’il se fasse des titres à la reconnaissance de l’humanité en général et de la France en particulier ! On comprend plus aisément cette proposition : « Les anciens, s’ils vivaient aujourd’hui, seraient modernes. » La réciproque en serait vraie. « Les modernes, s’ils avaient vécu autrefois, auraient été anciens, » On dirait encore dans le même sens : « Les gens du moyen âge, s’ils avaient vécu sous Louis XIV, auraient été des hommes du XVIIe siècle. » Ce sont des vérités incontestables ; mais on les comprend trop : il est impossible qu’elles enferment beaucoup de sens. Ce sont des vérités, mais ce ne sont pas des définitions.

M. Deschamps aurait-il attaché plus d’importance qu’il ne convient au décor antique dont s’encadrent quelques pièces récentes ? Y aurait-il vu le signe d’un retour à l’antiquité ? Mais ce procédé tout extérieur était familier aux poètes de l’école qu’il s’agit de remplacer. Par exemple, M. Henri de Régnier l’appliquait il y a quelque dix ans dans son poème De l’Homme et la Sirène, une des œuvres les plus significatives du symbolisme. Il est bien impossible d’en faire le précepte initial de l’école de demain. Ce n’est pas de ce côté que nous trouverons le principe nouveau.

Adressons-nous à M. Gregh. Celui-là est moins savant ; il n’est pas historien des lettres ; il n’est pas professeur de littérature ; il ne se hasarde pas à parler des anciens. Mais, puisqu’il fait des vers, il sait apparemment de quoi il veut que les vers soient faits, et il saura nous l’apprendre. « Nous voulons une poésie qui dise l’homme, et tout l’homme, avec ses sentimens et ses idées, et non seulement ses sensations, ici plus plastiques, là plus musicales. Tous les grands poètes de tous les temps, en même temps que des artistes, étaient des hommes,