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racontant les massacres. Voici ce qu’ils disent de Sivas : « Les révoltés arméniens ont attaqué traîtreusement les Hamidiés. Ils ont été défaits. » C’est tout !

2 décembre. — A Césarée, dit-on, massacre épouvantable.

3 décembre. — Des crieurs officiels viennent dans les carrefours publier que désormais quiconque tuera ou pillera sera pendu.

4 décembre. — On dit que l’escadre européenne, la flotte anglaise en tête, va s’emparer de Constantinople. Les Turcs, exaspérés, nous regardent d’une drôle de façon. Je n’ose pas sortir ; je suis tout à fait malade. Maurice est à bout.

5 décembre. — Les Arméniens, appelés à faire connaître leurs pertes en marchandises, accusent 26 millions. Maurice trouve le chiffre fantastique.

L’école américaine et les deux écoles françaises rouvrent. Elles n’ont eu aucun enfant aujourd’hui. Maurice fait rendre beaucoup d’objets pillés.

Tout le monde dit, même des Européens, qu’à Gurun les assassins étaient guidés par un prêtre arménien apostat.

8 décembre. — Hier, un Turc qui avait beaucoup pillé et parlait trop haut, a été jeté en prison, chaînes aux pieds. Il a continué, citant des noms de chefs. Ce matin, on l’a trouvé mort dans sa cellule.

19 décembre. — Revirement complet. Les Arméniens font l’éloge de la France et de nos missions, qui jamais, reconnaissent-ils, ne les ont poussés à se soulever, tandis qu’ils portent de graves accusations contre d’autres.

Nous avons 67 centimètres de neige et — 14° de froid.

Le vali craint — ou espère des incendies.

25 décembre. — Quel triste jour de Noël !

On vient de tenter, je crois, de nous empoisonner. Ça doit être un de nos domestiques arméniens, payé sans doute par les Turcs. Alors on pourrait reprendre les massacres, car il n’y a que nous qui gênons…

Certainement il y avait un poison dans notre café, car nous en avons donné à Porthos, qui, lui aussi, a eu des vomissemens et a été pris de tremblemens ; mais comment faire analyser ? tous les pharmaciens sont tués.

Quel est le coupable ? Impossible de le savoir. Nous mettons à la porte nos deux domestiques, que nous remplaçons par des Turcs. Le Turc a ses défauts, mais il ne trahit pas.