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« C’est par le sport, s’écrie-t-il, c’est par le sport que j’ai été conduit à consacrer mes capitaux, ma vie, à la navigation aérienne. J’ai commencé à me faire connaître comme écuyer et, dans le salon de mon château, j’ai suspendu bien des fois le prix de grandes luttes sportives. Mais, qu’il soit à cheval, à bicyclette ou en automobile, jamais le coureur ne cherche à réaliser autre chose que le mouvement le plus libre et le plus rapide qu’on puisse atteindre. Quel mouvement plus libre et plus rapide que le vol des oiseaux ? Que peut rêver de plus impétueux l’imagination vagabonde ? Il ne me restait donc plus qu’à m’arracher du sol et à faire de l’air le théâtre de mes exploits ! » Belles paroles qui, à l’heure fatidique où on les admirait dans la capitale de l’empire d’Autriche, provoquaient la plus cruelle des catastrophes en vue de nos remparts. Comment n’auraient-elles point séduit l’esprit impressionnable et ardent de Paul Morin, l’habile électricien, le compagnon de gloire de l’intrépide et malheureux inventeur ?

Dans la séance du 2 octobre de l’Aéro-Club, nous avons proposé à nos collègues de consacrer l’ascension qu’ils organisaient à l’observation de l’éclipse de soleil qui devait avoir lieu le dernier jour du mois. Cette proposition fut immédiatement acceptée par des jeunes gens enthousiastes pour les progrès d’une science si française et que le sport a conduits, comme M. de Bradsky, à se faire aéronautes.

L’éclipse en question devait être très courte. A Paris, elle ne devait durer que neuf minutes. Lors de la sortie de la lune, le disque du soleil allait être encore presque tangent à l’horizon. Dans de pareilles conditions, les observations devaient être impossibles à la surface de la terre, même avec les lunettes excellentes que l’on possède dans nos grands établissemens astronomiques. Ni M. Janssen à Meudon, ni M. Lœwy à Paris, n’avaient fait de préparatifs qui auraient été forcément inutiles. A Greenwich, on avait dû s’abstenir de même, et le Nautical Almanac ne donnait que des nombres incomplets pour les stations anglaises.

Déjà, sous les auspices de M. Janssen, le Club a fait exécuter avec ses ballons plusieurs ascensions astronomiques. Il m’a semblé qu’il y avait lieu de faire un nouvel effort. Les ballons ont certainement fait quelques progrès depuis qu’ils ont servi dans la guerre, et leur emploi pendant le siège de Paris a été le commencement