Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/393

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Te voici donc encor, beau mois de nacre et d’ambre,
Qui dans l’air tiède étends ton voile nébuleux
Et poses sur les eaux et la terre, ô Septembre !
Pâles et transparens, tes doigts jaunes et bleus.

Tu portes dans tes mains comme de belles armes
Des glaïeuls enflammés en haute floraison,
Et je ne revois pas sans ivresse et sans larmes
Tes pieds aériens entrer dans ma maison.

De tous les souvenirs de ma lente jeunesse,
Tendres, légers, ou lourds d’anciennes douleurs,
Tu viendras délier le charme et la tristesse,
Quand sur mes genoux joints tu poseras ces fleurs.

Ami ! n’en garde qu’une, acérée et brûlante,
Pour la jeter, lorsque le soir est rouge encor,
De l’arc de ce grand pont, comme une flèche ardente,
Dans le long fleuve impur qui s’étire et s’endort.

II


Ma jeunesse est liée à ce fleuve, à la pierre
Des hautains monumens, des maisons et des quais,
Aux arbres, aux jardins, à cette ville entière
Qui m’a donné ce que ne me rendront jamais
Les plus belles cités dont se pare la terre.

Que les soirs de Paris sont beaux ! du haut des ponts
Lorsque l’ombre descend sur la Seine endormie,
Et qu’elle semble avoir fermé des yeux profonds
Sous les arches qui sont ses paupières sans vie ;
Quand la nuit qui s’allume y tremble en feux si longs !

Je sais qu’elle n’a pas de nymphe transparente.
Qu’elle coule sans hâte et sans limpidité,
Sans cacher sous son onde une sirène errante ;
Mais j’aime son mystère, et son impureté,
Et son nom dénoué qui sinue et serpente.