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lui avaient fait abandonner ce projet. Il était déterminé à aller vivre aux Etats-Unis. Bertrand, Gourgaud et, au défaut de Drouot qui venait de recevoir le commandement des débris de la Garde impériale, Rovigo, étaient prêts à l’y accompagner, ainsi que son ancien secrétaire Meneval, ses chambellans Montholon et Las Cases et ses officiers d’ordonnance Planat, Saint-Yon, Chiappe, Résigny. Il savait qu’il y avait en rade de Rochefort deux frégates, la Saale et la Méduse, en état d’appareiller. Dès le soir du 23 juin, il fit demander au ministre de la Marine que ces deux bâtimens ou l’un des deux fussent mis à sa disposition pour le transporter en Amérique avec sa suite. Decrès dit qu’il allait en référer incontinent à la Commission de gouvernement et qu’aussitôt après avoir reçu l’autorisation il s’empresserait de donner les ordres nécessaires. Le lendemain, l’Empereur envoya Bertrand à Decrès pour renouveler sa demande : Decrès fit la même réponse.

Fouché, qui dominait la Commission de gouvernement, n’était point pressé de prendre un parti à l’égard de l’Empereur. Il voulait, auparavant, être bien assuré que les Puissances n’exigeraient pas que Napoléon fût confié à leur garde.

Les plénipotentiaires allaient partir. Ils avaient pour instructions écrites d’ouvrir des négociations sur les bases suivantes : intégrité du territoire français ; renonciation des alliés à tout projet d’imposer le gouvernement des Bourbons ; reconnaissance de Napoléon II ; sûreté et inviolabilité de Napoléon Ier dans sa retraite. Resté bonapartiste, Bignon, ministre intérimaire des Affaires étrangères, avait rédigé ces instructions dans le sens le plus favorable à l’Empereur et au Prince impérial ; elles répondaient d’ailleurs à la répulsion contre les Bourbons manifestée par la grande majorité de la Chambre et au texte sinon à l’esprit de l’ordre du jour de Manuel. Mais Fouché était sans inquiétudes. Il savait que, pour beaucoup de raisons, cette mission ne pourrait aboutir à la reconnaissance de Napoléon II. Et tout d’abord, il avait pris soin de faire nommer plénipotentiaires, pour soutenir les droits de la dynastie impériale, les hommes qui y étaient le plus opposés. C’était La Fayette, c’était d’Argenson ; c’étaient Sébastiani, qui s’était prononcé avec violence pour l’abdication ; Pontécoulant, qui avait entraîné la Chambre des pairs contre la proposition de régence ; La Forest, enfin, élu député après avoir été rayé, au retour de l’ile d’Elbe, de la liste des conseillers