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et de la veille. Les soldats et les fédérés pouvaient passer des cris à l’action. Des officiers avaient déclaré qu’ils iraient en masse ce jour-là demander leur empereur à la Chambre et que s’ils ne l’obtenaient point, « ils mettraient le feu aux quatre coins de Paris. »

Fouché vit la nécessité de calmer l’irritation de l’Empereur et d’endormir les passions populaires. Il était urgent que la Chambre reconnût Napoléon II. Mais il ne fallait cependant pas qu’elle s’engageât trop, ni surtout qu’une reconnaissance du jeune prince sans aucune restriction entraînât, en vertu des Constitutions impériales, l’établissement d’un Conseil de régence qui se fût substitué à la Commission de gouvernement. La Chambre devait donc reconnaître Napoléon II par une délibération de pure forme et déclarer en même temps qu’elle entendait maintenir en fonctions la Commission exécutive. Ce plan ébauché, le duc d’Otrante l’exposa à Manuel qui se chargea de le mûrir et d’amener la Chambre à émettre le vote souhaité par son habile protecteur.


VI

Le débat s’engagea au milieu de la séance, vers deux heures, à l’occasion de la formule du serment que devaient prêter les membres du gouvernement provisoire. Dupin proposait : Je jure obéissance aux lois et fidélité à la nation. « Avons-nous, oui ou non un Empereur des Français ? demanda Defermon. Nous devons nous rallier aux Constitutions. Napoléon Ier a signé en vertu de ces lois. Napoléon II est donc notre souverain... Quand on verra que nous nous prononçons en faveur du chef désigné par nos Constitutions, on ne pourra plus dire que vous attendez Louis XVIII ! » Defermon touchait là le point vulnérable de cette assemblée qui, tout en travaillant aveuglément depuis deux jours au retour du roi, ne voulait pas des Bourbons. Mêlés aux applaudissemens les cris de : Vive l’Empereur ! Vive Napoléon II ! s’élevèrent de presque tous les bancs et furent répétés dans les tribunes.

Boulay renouvela avec plus de précision l’argumentation de Defermon, démontrant que l’abdication était indivisible et ne pouvait être admise en partie seulement. « J’ai les yeux ouverts en dehors de cette Assemblée, dit-il avec véhémence. Nous