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l’interrompit : « Vous répondrez après, Prince ; respectez l’égalité dont vous avez tant de fois donné l’exemple. » Et, abordant enfin la question, il poursuivit : « Le préopinant a demandé une chose inadmissible. Nous ne pouvons l’adopter sans renoncer à l’estime publique, sans trahir notre devoir et la patrie. Je déclare que je ne reconnaîtrais jamais pour roi un enfant, pour mon souverain un individu non résidant en France. Prendre une pareille résolution, ce serait fermer la porte à toute négociation. » Lucien répliqua : « Si je ne suis pas Français à vos yeux, je le suis aux yeux de la nation entière... Du moment que Napoléon a abdiqué, son fils lui a succédé. Ne demandons pas l’avis des étrangers. En reconnaissant Napoléon II, nous faisons ce que nous devons faire, nous appelons au trône celui qu’y appellent la Constitution et la volonté du peuple. » — « J’avais prévu cette difficulté, » dit ingénument Boissy d’Anglas. Il ajouta : « Ne nous divisons pas. On a adopté à l’unanimité l’abdication, il ne s’agit plus que de nommer un gouvernement provisoire. J’espère que nous arrêterons l’étranger, mais il ne faut pas nous ôter les moyens de traiter avec lui. » C’était déclarer trop ouvertement ce que Pontécoulant s’était borné à insinuer, à savoir que la Chambre haute avait déjà pris son parti d’accepter un souverain des mains de l’ennemi.

Révolté de ce manquement à la pudeur patriotique, le jeune général de Labédoyère bondit de sa place et escalade comme à l’assaut les degrés de la tribune. Son animation est effrayante « Je répéterai, s’écrie-t-il, ce que j’ai dit ce matin. Napoléon a abdiqué en faveur de son fils ; son abdication est nulle, de toute nullité, si, à l’instant, on ne proclame pas Napoléon II. Et qui s’oppose à cette résolution ? Des individus constans à adorer le pouvoir et qui savent abandonner un monarque avec autant d’habileté