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Commission, où il comptait régner en maître. À ces fins, Fouché s’entendit pendant les suspensions de séance avec les meneurs des divers partis, promettant, selon les personnes, la régence, le duc d’Orléans ou Louis XVIII avec le maintien des libertés constitutionnelles, pourvu que les impatiences inconsidérées de la Chambre ne vinssent pas traverser ses plans. Il désigna ses candidats. C’était d’abord lui-même, Fouché, qui se donnait pour l’homme indispensable et que chacun, d’ailleurs, prenait pour tel ; puis, le maréchal Macdonald ; enfin Lambrecht ou Flaugergues, comme on voudrait. Pour écarter La Fayette, il le représenta aux bonapartistes comme un adversaire irréconciliable de la dynastie impériale, aux libéraux comme un partisan de Louis XVIII, aux royalistes comme un républicain ; il ajouta que, en compensation, le commandement en chef des gardes nationales lui serait donné. Contre Lanjuinais, Fouché avait un autre argument : dans des circonstances si graves, ne devait-on pas le laisser à la présidence de la Chambre ?

C’était bien manœuvrer. Le duc d’Otrante eut cependant des mécomptes. Il fut élu, mais le second seulement, avec 293 voix, tandis que Carnot passa le premier de la liste avec 324 voix. Les ex-conventionnels, tous les bonapartistes, dont un certain nombre n’étaient pas dupes de Fouché, et tous les ennemis déterminés des Bourbons avaient voté pour l’ancien membre du Comité de salut public. Un des vice-présidens de la Chambre, le général Grenier, obtint 204 voix. Malgré de beaux services[1], il n’avait jamais été persona grata au quartier impérial et il était resté pendant les Cent-Jours sans commandement aux armées. La Fayette eut seulement 142 voix ; Macdonald, porté par Fouché et soutenu par les royalistes, 137 ; Flaugergues, 46 ; Lambrecht, 42. La majorité absolue étant de 236, il fallut, pour l’élection du troisième commissaire, un nouveau tour de scrutin. On se rallia au général Grenier, candidat neutre, qui donnait, sans le savoir, des espérances à tous les partis par la raison qu’il n’était compromis avec aucun. Il fut élu par 350 suffrages. La séance ne prit fin que passé neuf heures du soir.

  1. Général de division de 1794. Grenier prit part aux diverses campagnes sous Jourdan, Hoche et Championnet. Il fit la campagne du Rhin dans l’armée de Moreau et la campagne de 1809 dans le corps du prince Eugène. Employé ensuite dans le royaume de Naples, il rejoignit en 1812 la Grande Armée en Russie et revint en Italie où il combattit les Autrichiens en 1813-1814.