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prophéties juives, confirmant les théories grecques, répondant à un besoin de la vie, à un désir de l’âme, étant lui-même la vérité qu’il annonce, le mot de l’énigme, le Verbe, le mot devenu vivant : « Ne me parlez pas, dit-il, de séparer les préceptes et les exemples du Christ de sa Divinité. S’il n’est pas Dieu, ils sont déraisonnables. Dieu seul peut tout demander et tout obtenir… Et ne m’objectez pas que la philosophie est suffisante, que la morale est native. Quelle philosophie me porte à aimer l’âme de mon voisin, et quelle morale me porte à ne pas aimer sa femme ?… Vous ne pouvez comprendre, ô philosophes, combien nous aimons le Christ et ce qu’il est pour nous. Il est là, toujours là, devant nos yeux, en quelque sorte, la main sur notre épaule… Nous ne sommes jamais seuls ; il y a entre lui et nous une alliance que l’Écriture a raison de comparer au mariage. Il est pour l’âme un époux… Quand viennent les heures solitaires, les heures sombres, la visite de l’injustice, de l’ingratitude, de la maladie, du désenchantement, du long ennui, sans cause et sans trêve, il est là… Mais aussi, quand viennent les heures saintes, les heures de combat généreux, d’effort isolé contre tous, de lutte pour opérer le bien, réaliser le beau, les heures où, à un degré quelconque, l’on sacrifie ce qui est bas et agréable à ce qui est pénible et haut, il est là. »

Et, transporté sur ces sommets, tout disparaît aux yeux de Cochin, hormis le Christ :

« Passez, passez, visions charmantes des poètes, ombres adorées, divinités inspiratrices, muses des arts, démons familiers ; passez aussi, apparitions réelles, dames des chevaliers, amantes des poètes, charmeresses de la vie ; passez, passez vous-mêmes encore, saintes affections, femmes chéries, enfans aimés souvenirs d’une mère, trésors du cœur ! Ni poésie, ni passion, ni charme, n’égaleront jamais le réel, énergique et tendre amour que nous inspire certainement la personne de Jésus-Christ. J’en appelle à vous, mes frères protestans, aussi bien qu’aux croyans de mon Église. »

Comme ces accens trahissent l’âme de Cochin ! quelle tendresse et quelle éloquence ! Mais une foi si ardente ne se sépare pourtant point de l’observation, de l’expérience des faits. « Au moment, dira-t-il encore, à propos des sacremens, au moment où vous croirez sacrifier votre raison. Dieu viendra la délier et l’inonder de joie, de paix et de lumière. Comment vous en convaincre ?