Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’homme responsable et immortel, un créateur, un sauveur, un juge expliquant la naissance et la mort : autant d’affirmations qui sont des faits avant d’être des dogmes. Mais c’est la Rédemption qui fait le centre et qui illumine en quelque sorte toutes ses croyances. Il y rattache naturellement l’idée de l’épreuve et du rachat, et voit en elle les autres dogmes : la Rédemption, en effet, suppose l’Incarnation d’une personne divine ; elle implique le pardon et la grâce, et la grâce elle-même implique une forme sensible pour parvenir à l’homme, c’est-à-dire les sacremens, en même temps qu’une institution pour les dispenser et garder intacte la doctrine, c’est-à-dire l’Eglise. Le Dogme tient dans ce résumé, et Cochin s’étonnait que, présenté en ces termes, il parût si difficile à accepter à des esprits pleins d’admiration, d’ailleurs, pour l’influence morale du christianisme. Il ne s’expliquait pas ce christianisme sans dogmes, qu’il serait question d’instituer, et en dehors duquel, prétend-on, les meilleures volontés des penseurs du XXe siècle seraient condamnées à se heurter à des postulats théologiques, inconciliables avec l’esprit moderne.

Il y a dans le livre Les Espérances chrétiennes une réponse indirecte, sans doute, mais singulièrement forte et émouvante, à l’espèce de mise en demeure qu’adressent dans ce sens, au catholicisme, certains écrivains actuels. Je veux parler de cette école qui, tout en reconnaissant que le cadre de l’Eglise est admirable et fort, que le dessin du tableau tracé par la main de Jésus s’y retrouve encore, estime cependant que ce dessin est défiguré par des surcharges artificielles. Ce badigeonnage enlevé, c’est-à-dire les dogmes supprimés, il resterait, selon eux, un christianisme qui ne serait plus en contradiction avec la critique scientifique, le christianisme de la raison et de la bonté, où les vertus purement humaines prendraient je ne sais quels reflets du divin, nom nouveau donné à un Dieu moins exclusif que les dieux anciens. Toute l’argumentation de Cochin dans les Espérances chrétiennes tend, au contraire, à établir que ce n’est pas d’une doctrine transformée, remaniée, encore à formuler, qu’il peut être question, quand on proclame que la société contemporaine ne saurait se passer du christianisme, qu’elle tient de lui toute force morale, et que, sans lui, nous allons à la barbarie. Il s’agit de la doctrine chrétienne telle qu’elle existe, telle que nous la connaissons et la pratiquons, et qui n’est opposée ni à la raison, ni à la bonté. Est-il déraisonnable, en effet, que Dieu s’occupe de sa