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répondre. Ces écrits ont mis en lumière la désorganisation qui s’est produite dans les rapports fondamentaux d’une société troublée par les luttes de la religion et de la politique. Ils ont indiqué la cause du mal et ses remèdes. Ils ont montré comment l’Allemagne abaissée, écrasée au début du siècle dernier, a pu se relever, grâce à l’énergique effort de quelques hommes supérieurs, grâce à la fidélité de tout un peuple aux lois éternelles du travail et du devoir. Ils ont montré le rôle qu’a joué, dans la reconstitution nationale, la préoccupation constante de mettre à profit le sentiment religieux et d’en favoriser le développement jusque dans la composition des chants patriotiques, des chants militaires. À ces considérations, Le Play donna plus tard un commentaire significatif en publiant la lettre que lui adressait, sur la même matière, un membre de la Chambre des communes, lord Robert Montagu. Elle ne sera pas, croyons-nous, sans intérêt pour le lecteur.

« Lorsque je vins à Paris, en décembre dernier (1872), quelqu’un me demanda si j’y étais venu pour assister à des fêtes ou aller au théâtre. Je répondis : « Je suis venu pour savoir si les Prussiens reviendront. » Alors mon interlocuteur me débita une longue tirade sur l’armement, les soldats, et la résolution de chaque Français « d’avoir une revanche. » Quand il s’arrêta enfin, je lui dis : « Je pense qu’il vous serait possible de l’avoir, cette revanche. — Comment donc ? — En devenant meilleurs chrétiens que vos vainqueurs. »

Cochin eut dès lors la vue claire de la grande bataille du lendemain ; il vit que le problème qui se posait pour notre pays, allait être le choix entre la bonne et la mauvaise démocratie. L’une, chrétienne et libérale, pouvait amener l’avènement de la justice et de la paix parmi les hommes ; l’autre, autoritaire et athée, conduisait au triomphe de la brutalité et des convoitises sauvages. Laquelle devait l’emporter ? C’était alors le secret de l’avenir. Cochin, toutefois, ne put jamais se résoudre à admettre l’abaissement définitif de son pays. De tout temps, il s’était élevé contre les appréciations pessimistes ; je l’ai entendu plus d’une fois protester contre certaines prophéties de Donoso Cortès, annonçant, au début de l’Empire, que la France reviendrait à la République, mais pour tomber au-dessous des Républiques Sud-américaines, et montrant d’avance la multitude appliquée à se servir, pour des destructions stupides, de l’arme redoutable que