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avoir et n’ont rien de commun avec une école révolutionnaire et athée. Ils sont, au contraire, trop près de l’Evangile pour ne pas entrer dans la plupart des vues de Cochin, pour ne pas chercher, par des méthodes qui se rapprochent de la sienne, à améliorer le sort des travailleurs et à défendre efficacement leur cause.


III

Des deux passions qui s’étaient emparées du cœur de Cochin, je serais embarrassé pour dire quelle était la plus forte, ou son amour pour l’homme qui travaille, ou son amour pour l’homme qui souffre. Il apportait dans ses rapports avec les pauvres quelque chose d’autre que son respect pour l’ouvrier : un sentiment indéfinissable, composé à la fois de délicatesse, de pitié, de tendresse ; une crainte extrême d’humilier, de montrer un air protecteur. Consolateur incomparable, il savait entrer dans toutes les tristesses, écouter les plaintes avec une patience sans bornes, trouver le mot qui réconforte. La grande œuvre charitable d’Ozanam l’avait séduit dès ses jeunes années, A peine sorti du collège, il établit la conférence de Saint-Vincent-de-Paul du faubourg Saint-Jacques, et il en est élu président. A partir de ce moment, sa vie devient un véritable apostolat. Il appartient à tout ce qui souffre. Il choisit un jour de la semaine, le vendredi, pour recevoir les pauvres, et il demeure fidèle jusqu’à sa mort à cette coutume. « Dieu sait, a écrit son fils, Henry Cochin, à travers quelle foule de solliciteurs il lui fallait démêler une misère réelle et honnête ; il s’y trompait souvent, mais ne s’en repentait pas. Je revois encore l’antichambre remplie de ces visiteurs mystérieux dont mon père ne parlait jamais[1]. »

L’effort de sa charité prend toutes les formes. Il assure, en 1855, l’installation des Petites Sœurs des Pauvres et de leurs 180 vieillards dans la maison qu’elles occupent avenue de Breteuil ; il trouve des patronages ; il recueille les fonds nécessaires. En 1858, il facilite aux Frères de Saint-Jean-de-Dieu la création d’un établissement pour les petits incurables, rue Lecourbe, et comble ainsi une grave lacune en offrant un asile à des malheureux qui ne peuvent en trouver ni à l’école, ni à l’atelier, ni

  1. Henry Cochin, Préface des Espérances chrétiennes.