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valaient bien une grande chute ! A mesure, d’ailleurs, que la fortune lui revenait et que la situation se dessinait en sa faveur, il espérait un peu plus chaque jour qu’il ne succomberait pas, et, sous l’empire de ces dispositions, à la fin de novembre, il avisait l’Angleterre, l’Allemagne, la France, l’Italie, la Hollande, et indirectement les États-Unis, de prendre garde à ne pas le mettre « dans l’obligation d’agir. »

Mais il avait tant dit et répété qu’il paierait « demain, » et que « demain, » ce serait quand l’insurrection serait abattue ; il disait maintenant si fièrement que c’en était fait des conspirateurs et des traîtres, que la révolution était en pièces et les révolutionnaires en morceaux ; il faisait sonner avec une telle allégresse les cloches et tonner avec une telle solennité les canons pour la paix, que les puissances, impatientes, croyant arrivé ce « demain » qu’elles avaient redouté peut-être de ne voir arriver jamais, toutes ensemble, sans tarder, présentaient leur note, parlant, suivant leur caractère et leurs inclinations, plus ou moins impérieusement. C’est le 14 novembre qu’un décret présidentiel avait réinstallé à Caracas le siège du pouvoir exécutif. Le 25, la Grande-Bretagne adressait un ultimatum au gouvernement vénézuélien. Elle lui signifiait d’avoir à verser immédiatement une indemnité convenable à ceux des sujets de Sa Majesté qui avaient été lésés par sa faute, durant la dernière guerre ou antérieurement, et à donner, de plus, des garanties de sécurité pour l’avenir. Un délai de quinzaine lui était imparti, à l’expiration duquel, s’il n’avait pris un arrangement satisfaisant, l’Angleterre rappellerait son représentant à Caracas et romprait toute relation diplomatique.

En outre, il apparaissait bientôt que l’Allemagne, penchait, à son habitude, vers la manière forte. Dès l’origine du conflit, elle s’était prononcée, comme en témoignaient les articles de la Gazette de Cologne, lors de l’arrestation de l’agent consulaire français à Carupano, pour une solution nette et complète, avait hé partie avec l’Angleterre et avec elle combiné une action commune au Venezuela en vue d’y faire prévaloir de concert leurs droits et leurs intérêts. Une escadre impériale recevait l’ordre de se rendre dans les eaux vénézuéliennes, et d’y rallier les croiseurs déjà détachés pour y faire la police maritime et couvrir de leur protection, le cas échéant, les sujets allemands qui en auraient besoin. Désormais il s’agissait de bien autre chose que d’une opération de police, même rude : il fallait régler tous les comptes, tout d’un coup, et tout de suite.

En ces conjonctures plus que délicates, le président Castro se rejetait