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prouverait bien inutilement que Corneille en a « inventé » les sujets ; et supposé qu’il n’eût tiré son Attila, sa Pulchérie, son Suréna que du trésor de sa seule imagination, nous ne les admirerions pas pour cela davantage. Inversement, de quelque source étrangère et, si l’on le veut, encore ignorée, qu’il ait tiré Rodogune, Polyeucte, et le Cid, ni l’intérêt, ni la valeur, ni la signification n’en sauraient être diminués. Il nous faut nous placer à un point de vue plus élevé. Les questions de « littérature comparée » ne sont pas, ne sauraient être des questions d’amour-propre national, et le malheur est qu’avec ces méthodes statistiques, on court le danger de les y réduire. C’est uniquement pour ce motif que nous avons cru devoir examiner et critiquer d’un peu près le livre de M. G. Huszär. Il est plein de choses et même de bonnes choses. La lecture en est instructive et facile. Il témoigne d’une connaissance étendue, précise, et en quelques points assez approfondie de deux grandes littératures. Que si l’auteur préfère la liberté du théâtre espagnol à la contrainte du théâtre français, c’est son droit. Ce le serait encore, s’il était Français au lieu d’être Hongrois. Mais, quelques-unes des questions que son livre soulève, le débordent pour ainsi dire, et le dépassent. C’est ce que nous avons essayé de montrer, chemin faisant, et, avant de prendre congé de lui, c’est pour cette raison que nous voudrions insister sur deux ou trois points essentiels.


III

Et d’abord nous ne saurions douter, après avoir lu M. G. Huszär, que nous ne connaissions pas encore assez, en France, l’histoire de la littérature espagnole. Rien qu’à nous enfermer dans le seul examen des rapports du théâtre de Corneille avec le théâtre espagnol, la question des rapports de l’Héraclius avec l’En esta vida... de Calderon est tout entière à revoir ; et je ne sache pas qu’aucun éditeur, commentateur, critique, biographe ou historien de Corneille ait étudié les analogies de son Polyeucte avec les trois pièces que cite M. G. Huszär : El principe constante, El José de las mujeres, et Los dos Amantes del cielo. L’une des plus belles scènes du Cid, la IVe de l’acte III ;


Eh bien, sans vous donner la peine de poursuivre,
Assurez-vous l’honneur de m’empêcher de vivre...