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dernier séjour, « elle n’a eu que des désagrémens ; » mais « pour ne pas rester en ville à s’ennuyer, elle ira, accompagnée de « la Hoven, » à Marienbourg chez sa belle-sœur Vietinghoff et de là en Courlande « prendre les eaux de mer ou celles d’une source très vantée et très salutaire. » Elle y restera jusqu’au retour de son mari. « Le voyage d’abord, le séjour de la campagne et les eaux me feront certainement un bien infini outre le plaisir que cette course me procurera. Aussi, je m’en réjouis bien. Si on pouvait rapprocher un peu le Caucase, j’irais y prendre les eaux et je verrais mon cher Arrar. »

Revenant à son rôle de chroniqueuse, elle annonce dans la même lettre « le mariage de Scheremitoff avec une de ses esclaves qu’il a déclarée son épouse légitime lorsqu’elle est accouchée d’un fils. Elle vient de mourir ces jours-ci et a été enterrée avec toute la pompe imaginable. Son fils s’appelle comte Dmitri et hérite seul des grands bien du comte. »

Le 12 mai, elle a un grand crève-cœur. Son mari part à la suite de l’Empereur ; pour elle, il n’est plus question de voyage, il faut retourner à cet ennuyeux Paulowsky. « Le grand plaisir ! écrit-elle ; une année d’intervalle n’a pas apporté de changement à l’agréable manière de vivre ici : même gêne, même étiquette, même ennui, il y a de quoi périr. Je suis logée dans les mêmes appartemens que nous occupions, il y a de cela trois ans. Combien cela m’a rappelé d’agréables souvenirs : vos arrivées à cheval avec Kretoff, nos promenades en lignes à la datche de Soltikoff ; tout plein de choses me sont revenues en tête. En vérité, c’était un temps bien agréable pour moi. Que de changemens depuis ! Comme toute cette société s’est dispersée ! »

Quelques semaines plus tard, nous la retrouvons remise du dépit de son voyage manqué. Son mari est revenu : « Aujourd’hui pour la première fois, il passe toute la journée chez lui. Il a maintenant des jours marqués pour le travail ainsi que l’ont les ministres ; il a dans la semaine trois jours tout à lui. Il en est enchanté et moi aussi comme de raison. » Mais cet arrangement dure peu. Au mois de septembre, sa vie est redevenue très grise : « Je m’ennuie assez. Je ne vois presque pas mon mari ; il est même rare qu’il dîne à la maison. » En revanche, elle a en perspective le bonheur qu’elle souhaitait le plus ardemment. Elle nourrit l’espoir d’une maternité prochaine. Au fur et à mesure qu’il se précise, elle se résigne mieux à sa solitude. On