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les arceaux se succèdent en une variété infinie, très pointus ou bien très écrasés, ayant forme de rosace ou bien de trèfle à plusieurs feuilles. Et, tout le long des rues, à l’abri de ces porches aux courbures si cherchées, les marchands sont installés sur des coussins et des tapis ; le fond de leurs échoppes, découpé comme l’arceau extérieur, et peinturluré de vert, de bleu et d’or, imite toujours la queue éployée de quelque grand oiseau, paon ou phénix, qui ferait la roue. Il y a le quartier des bijoux, des colliers, des bracelets, où les verroteries miroitent dans toutes les boutiques, à côté des pierres précieuses, et le clinquant, à côté de l’or pur. Il y a le quartier des parfums, où toutes les essences de fleurs sont contenues dans de vieux vases de Chine, apportés jadis par caravane. Il y a la rue étincelante des babouches, lesquelles sont toutes pailletées et dorées, et dont la pointe se recourbe en proue de gondole. Au hasard, un peu partout, les marchands de parures en fleurs vraies étalent des amas de roses roses, sans tige, empilées en petites montagnes, et des amas de fleurs de jasmin, que des enfans travaillent à enfiler comme des perles. On vend aussi des armes, des lances, de grandes épées d’autrefois qui se maniaient à deux mains ; et des couteaux à tigre, d’une forme spéciale, pour les leur plonger dans le gosier quand on les rencontre et qu’ils foncent sur vous la bouche ouverte. On vend des robes de mariage, pour hommes, entièrement dorées, et des turbans de noces, ruisselans de paillettes. Voici un quartier où, devant les maisons jusqu’au milieu de la chaussée, chacun s’occupe à imprimer des étoffes légères, souvent transparentes comme des brumes ; sur fond rose, vert ou jaune, on sème des petits dessins d’argent et d’or ; ce n’est guère solide, tout cela ; une goutte de pluie, et ce serait perdu ; mais le coloris en est toujours adorable, et le moindre chiffon sans valeur, sortant des mains de ces artistes de plein vent, a l’air du voile enchanté d’une péri. De l’or, de l’or ; ici, il faut toujours de l’or partout, ou, à défaut, du clinquant, du papier doré, quelque chose qui brille au splendide soleil, et qui amuse les yeux.

Blanche, la poussière ; blanches, les maisons, et blanches, les robes de tous les gens du peuple ; c’est le blanc neigeux qui domine dans les rues, dans les foules en marche, et c’est sur le blanc des costumes qu’éclate, en fraîches couleurs, toute la gamme des grands turbans de mousseline.