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et nos habitudes de manœuvres, qui consistent à descendre un peloton derrière une barricade pour s’y défendre passivement. Vos hommes sont Français et cavaliers, leur double nature est offensive, et vous leur demandez de la défensive et de la passivité. Ils vous répondent par un dégoût instinctif du combat à pied, par l’envie obsédante de remonter à cheval, et ils ont raison.

Au contraire, en pratiquant la ligne de feu longue, offensive, à tendances débordantes, vous réveillerez l’instinct de la race française, qui supporte le rang, mais ne l’aime pas ; et dont le vieux sang gaulois ne s’échauffe que lorsqu’on le livre sans contrainte à son besoin d’en avant.

L’en avant à pied n’est plus l’élan furieux des zouaves à la baïonnette, que les cavaliers ne pourraient imiter sans renoncer à leurs éperons ; car, là où l’assaut est possible, la charge à cheval est indiquée. L’en avant à pied, lorsque l’assaut et la charge sont impossibles, consiste, pour chaque groupe, dans chaque groupe pour chaque homme, à gagner en rampant 20 mètres, quand le terrain présente 20 mètres de couvert ; à n’en gagner que deux ou trois, d’un bond brusque, précédé et suivi de la disparition couchée, quand le sol n’offre aucun abri. Le but connu de tous, sans qu’il soit besoin d’ordres, est d’arriver à la courte portée où les balles cessent d’être folles pour devenir dociles comme des baïonnettes ; où l’ennemi demande grâce, parce qu’il ne peut plus lever la tête, et que, même avec le nez en terre, il sent la mort lui effleurer les cheveux.

Ces audaces d’attaques offensives à pied contre un ennemi plus fort, ou plutôt contre un ennemi sans nous occuper de sa force, nous sont permises à nous cavaliers, et à nous seuls. Car nos chevaux nous ont transportés d’un galop à l’endroit favorable, à celui où nous avions l’espoir de charger. La charge n’étant pas opportune, ces mêmes chevaux nous donnent la mobilité nécessaire pour mener le combat à pied en largeur, par unités souples et légères, sans encombrement de lourds effectifs, que seule l’infanterie est capable de manier en profondeur. Enfin, ce sont encore les chevaux qui nous assurent la possibilité de déguerpir, pour recommencer plus loin, lorsque notre coup est manqué, que l’ennemi prend lui-même d’écharpe notre tentative d’enveloppement.

Quand les cavaliers sauront se servir de leurs armes à feu de