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qu’il n’y aura plus de combat de cavalerie et que toute idée de choc doit être abandonnée ? Ce n’est pas la question. Il faut seulement renoncer à l’idée de la bataille de cavalerie précédant les grandes rencontres de toutes armes. Pourquoi faire détruire une partie de sa cavalerie en pure perte, puisqu’une cavalerie si victorieuse qu’elle soit n’en sera pas moins arrêtée par la mousqueterie des rideaux et ne pourra pas donner d’autres renseignemens que ceux que procureraient plus facilement quelques patrouilles d’éclaireurs bien menées.

Le combat de mousqueterie a pris, pour la cavalerie, une importance de premier ordre. Il permet à une troupe peu nombreuse, mais bien instruite au combat à pied, de se débarrasser en quelques instans d’une cavalerie très supérieure qui voudrait agir par la charge et à l’arme blanche. Les rideaux dont les armées devront s’envelopper fourniront à la cavalerie l’occasion fréquente de s’employer à pied. Pour les constituer, on aura recours à des fractions multipliées (régimens et mêmes unités moindres agissant d’après les ordres directs des commandans des groupes). De même, pour déchirer les rideaux de l’adversaire, la cavalerie aura recours au combat de mousqueterie, comme la cavalerie anglaise a été forcée de le faire au Transvaal.

Il suffit, pour s’en rendre compte, de se représenter une prise de contact. Laissons la parole à un officier de cavalerie qui comprend l’avenir de son arme :

« Nous ignorions, avant les campagnes sud-africaines, nous savons maintenant (si nous ne nous obstinons pas à détourner notre vue de faits patens), ce que vaut le fusil à tir rapide et sans fumée, manié par des hommes de sang-froid, d’initiative et de résolution. Entre les mains d’hommes ainsi trempés ayant le courage de renoncer à la passivité, voulant et sachant avancer sous le feu, le fusil actuel, c’est là le fait nouveau et capital, peut, lorsqu’il parvient à se rapprocher suffisamment, remplacer l’assaut à l’arme blanche. Arrivé à courte portée, il vaut le couteau sous la gorge.

Ainsi s’expliquent les marches offensives de combattans sans baïonnette, enveloppant et faisant capituler des troupes très supérieures en nombre, mais passives et massées.

Autre fait nouveau : une ligne, dont quelques points bien choisis sont garnis de feu, est presque aussi forte dans ses trouées que dans ses saillans occupés.