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à cette cavalerie bardée de fer, inutilisable pour le combat à pied, incapable des galops prolongés dans les terrains défoncés, et uniquement destinée à l’action par le choc.

Cependant chacun sait maintenant à quelles pertes inutiles la charge en masse aboutirait.

Les cuirassiers sont, il est vrai, décoratifs. Ils augmentent la solennité des escortes. On pourrait, à cet effet, conserver à Paris les deux régimens de cuirassiers qui s’y trouvent.

Mais avons-nous le droit, pour des raisons de sentiment, de priver larmée de soixante-cinq escadrons de dragons ?

Le 13 juillet 1880, sur l’avis du Comité de cavalerie, qui demandait la suppression totale des cuirasses, celles-ci furent enlevées aux six régimens de numéros pairs. Un des membres du Comité disait à ce propos : « Il peut arriver que, dans une circonstance donnée, je regrette de ne pas avoir de cuirassiers sous la main. Mais cette circonstance ne se présentera peut-être jamais et nous ne devons pas pour une éventualité si peu probable priver notre cavalerie de 8 000 carabines. »

La question semblait donc résolue. Mais les vieilles idées sur la fameuse et hypothétique bataille de cavalerie reprirent le dessus, et, le 29 avril 1883, les cuirasses furent rendues. La France est maintenant la seule puissance qui se donne le luxe d’entretenir des cuirassiers.

La Russie les a supprimés en 1859. L’Allemagne en 1888, l’Autriche en 1881. Allons-nous les conserver ?

Ils sont plus chers que les autres régimens et difficiles à remonter. Leurs chevaux seraient mieux utilisés comme trait léger pour atteler les batteries de cavalerie appelées à un si grand rôle.

Pour des raisons du même ordre, les lances de nos dragons doivent être supprimées.

Un article remarquable, paru récemment dans la Revue de cavalerie[1], a démontré leur inutilité. Voici quatorze ans que la question se discute ; il est temps d’en finir. La lance est une mauvaise arme. Nous avons perdu de vue que les lanciers n’ont apparu dans notre armée qu’en 1811, par conséquent après l’époque où notre cavalerie s’est montrée la plus brillante.

Alors, nos dragons, nos chasseurs, mettaient en déroute les

  1. Et que l’on dit inspiré, sinon rédigé, par notre État-Major général.