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En 1867, on modifie ce fusil suivant le système Chassepot, et l’arme des dragons se trouve ainsi peser 200 grammes de plus que le fusil d’infanterie modèle 1866.

Enfin, le 4 décembre 1869, sur la proposition du Comité d’artillerie et dans le but d’unifier tout l’armement de la cavalerie, le fusil de cavalerie modèle 1866 est adopté. Mais les dragons, n’acceptant pas d’avoir un fusil comme l’infanterie, le baptisent du nom de carabine.

Mieux encore. Pour que personne ne puisse les obliger à reprendre leur vrai rôle de dragons, ils se font désigner, ainsi que les lanciers, sous le nom de cavalerie de ligne, et fixent ainsi leur rôle dans la bataille.

D’autre part, la faiblesse du commandement supérieur laissait la cavalerie se cristalliser dans son particularisme.

Le service en campagne, théoriquement enseigné, était peu pratiqué. L’instruction se bornait à des évolutions schématiques sur des terrains plans, agrémentées de vaines parades. Le tir était considéré comme une inutile corvée et même dans certains régimens qui croyaient affirmer ainsi leur esprit cavalier, des corvées brûlaient les cartouches pour s’en débarrasser plus vite. Les funestes conséquences de ces erreurs ne se firent pas attendre.

Dès le début des opérations, notre cavalerie fut groupée en lourdes masses, comme l’avait été la cavalerie autrichienne en 1866, et les mêmes fautes amenèrent les mêmes désastres. Les généraux spécialisés dans leur arme tenaient à réunir sous leur commandement le plus grand nombre possible d’escadrons et n’en laissaient détacher sous aucun prétexte. D’où cette conséquence que nos troupes, n’étant pas éclairées, furent partout surprises.

Un écrivain allemand (le prince de Hohenlohe) dit à ce sujet : « Les tendances imprimées à la cavalerie française la portent à veiller à sa propre sécurité, plutôt qu’à pousser en pays ennemi d’audacieuses reconnaissances. » Cette appréciation n’était même pas exacte, comme le prouve l’affaire du 15 août 1870, où la division du général Forton fut surprise au bivouac, n’ayant même pas su se garder elle-même.

Dans cette campagne, notre cavalerie s’est montrée nulle dans son rôle stratégique, nulle dans le service d’exploration, nulle dans le service de sûreté ; malavisée et inutile dans son rôle