Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/941

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’il avait voulu nous présenter une histoire vraiment exacte et vivante du développement de la littérature allemande au XIXe siècle. Elle seule lui aurait permis d’établir un lien entre les innombrables notices dont est formé son livre, et un lien logique, naturel, correspondant à l’ordre même des dates et des faits. En mille pages comme en cent, cette méthode lui aurait rendu possible de donner à son récit l’intérêt d’une véritable histoire, où les événemens naissent les uns des autres, où ils s’éclairent, se complètent, se corrigent l’un par l’autre. Et sans doute, en fermant le Livre, nous aurions oublié bon nombre des noms propres que nous y aurions lus, mais nous aurions su eu qu’avait été, au XIXe siècle, la littérature allemande, ce qu’elle avait cherché et ce qu’elle avait obtenu, l’originalité de son rôle entre les autres littératures européennes, et la signification des grandes œuvres qu’elle avait produites.

La fâcheuse lacune que je signalais ainsi dans l’histoire de la littérature allemande vient d’être définitivement comblée. Un des plus érudits, des plus intelligens, et des plus libres esprits parmi les écrivains allemands d’à présent, M. Adolphe Bartels, nous offre aujourd’hui, en deux gros volumes, une Histoire de la littérature allemande qui est toute conçue, précisément, au point de vue de l’évolution successive des genres et des styles. Voici d’ailleurs en quels termes M. Bartels nous définit lui-même, dans sa préface, le plan général de son livre, ainsi que la méthode qu’il y a suivie : « J’ai pensé, nous dit-il, que le tableau de l’évolution historique de notre littérature devait être traité en dehors de l’étude détaillée et approfondie de la vie et de l’œuvre de chacun de nos grands écrivains en particulier. J’ai donc essayé de retracer, d’une part, ce tableau général de l’évolution de la Littérature allemande, et d’y ajouter par ailleurs, en manière d’appendices pour chaque période, des études plus complètes sur les principaux écrivains. De cette façon, le tableau général pourra, je crois, garder la tenue, l’ordonnance serrée et mobile, qui conviennent à une vue d’ensemble historique ; tandis que, dans l’appréciation isolée de l’œuvre des grands écrivains, j’ai pu ensuite non seulement caractériser avec plus de précision ce que cette œuvre avait d’original, mais encore mêler à mon analyse certains jugemens esthétiques qui m’ont paru nécessaires. Cependant, ce que je me suis proposé avant toute chose, c’est de fixer, d’une façon pour ainsi dire obligée, la marche de l’évolution Littéraire aux diverses périodes, en assignant à chaque écrivain, dans cette évolution, la place propre, la place vraiment effective qu’il y a occupée, celle qui résulte de la date de publication de ses œuvres et de l’influence directe qu’elles ont exercée. »