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Ce canal de la Somme, qui met la mer en communication avec Saint-Quentin, et par suite avec tout le réseau des voies navigables du Nord de la France, offre un mouillage normal de deux mètres ; mais la partie maritime d’Abbeville à Saint-Valéry, sur une longueur de 14 kilomètres, a un tirant d’eau de 3 mètres, qui permet la flottaison des navires de 150 et, à la rigueur, de 200 tonneaux.

Le port d’Abbeville se réduit d’ailleurs à un quai, bordé de rails, de 450 mètres de longueur, établi sur la rive droite du canal, qui a une largeur d’une trentaine de mètres. Les bateaux qui le fréquentent sont en général de petits caboteurs anglais, russes, allemands, norvégiens et danois, qui y apportent de la houille, des bois du Nord, de la résine, du goudron. L’exportation, bien inférieure, comme malheureusement partout chez nous, consiste en quelques produits agricoles et surtout en toiles à voiles et cordages, à destination de quelques ports de l’Angleterre, du Havre et de Bordeaux. C’est un souvenir des anciennes corderies qui firent pendant longtemps la fortune d’Abbeville, et qui alimentaient presque exclusivement tous nos ports de l’Océan et même une partie des ports étrangers. Le mouvement commercial maritime a déchu depuis deux siècles d’une manière continue[1]. Il n’est plus guère aujourd’hui que de 10 000 tonnes. Près de 40 000 tonnes naviguent en outre sur le canal jusqu’à Saint-Quentin.


V

Les deux vrais ports de la Somme maritime, quoique bien déchus aussi tous les deux, sont le Crotoy et Saint-Valéry. Tous deux ont été accessibles autrefois et pendant longtemps à tous les bateaux venant de la mer. Depuis quatre à cinq siècles, la situation s’est complètement modifiée. La baie est devenue une grande vasière, et c’est, avec beaucoup de peine que les petits caboteurs peuvent s’engager aujourd’hui dans un chenal sinueux, très variable, de profondeur médiocre. Le courant de flot s’est tour à tour porté à droite et à gauche de la haie, favorisant tantôt le Crotoy, tantôt Saint-Valéry ; et, jusqu’à ces derniers

  1. Prarond, Notices historiques, topographiques et archéologiques sur l’arrondissement d’Abbeville, 1854.