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Mêla, dans un combat fameux et hennissant,
A la pourpre du vin la pourpre de son sang !
J’ai tremblé.
Ton galop remplissait mon oreille,
Sonore de l’écho de sa rumeur vermeille,
Et j’ai tendu mon arc en invoquant les Dieux !
Et l’air porta vers toi mon trait victorieux…
Tu tombas. Maintenant je maudis ma prière,
Ma flèche trop certaine et ma peur meurtrière,
Cher monstre ! je te pleure et je revois encore
Ta main d’homme presser à ton flanc, ô Centaure,
Ta blessure et j’entends, au fond du soir, j’entends
Le cri humain jailli de ton hennissement !


L’ORGUEIL


Sois nombreux par le Verbe et fort par la Parole,
Actif comme la ruche et comme la cité ;
Imite tour à tour avec fécondité
La foule qui demeure et l’essaim qui s’envole.

Travaille, crois, grandis ! que ta hauteur l’isole,
Et dresse dans le ciel sur le monde dompté
Ta rumeur obéie et ton bruit écouté ;
Vis. Entasse la pierre et creuse l’alvéole.

Ce soir, Rome debout chante dans ta pensée
Le chant d’or et d’airain de sa gloire passée,
Et la Louve dans l’ombre allaite les Jumeaux.

N’as-tu pas bu comme eux aux sources de la vie
Le désir d’être seul qui les rendit rivaux
Jusques au sang versé sur la terre rougie ?


LA PLAINTE DU CYCLOPE


 « Toi qui dans l’air léger lances d’un souffle pur
La chanson de ta flûte en gammes vers l’azur
Et qui, longtemps assis devant la mer sacrée,
L’admires, tour à tour, rose à peine ou pourprée,