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tête des émeutiers ; les soldats, en partie Moldaves, ne s’étaient décidés à faire feu qu’après avoir vu tomber deux des leurs ; mais l’émeute avait été réprimée, les chefs arrêtés : l’archevêque s’était enfui. L’ordre rétabli, le plébiscite fut voté par 685 969 voix contre 224 (du 14 au 21 avril 1866). Les familles les plus considérables s’y rallièrent. Le prince Stirbey le signa et accepta d’être envoyé en mission auprès du prince Charles. Aucun des Bibesco ne songea à troubler la manifestation nationale, quoique, à défaut du Hohenzollern, la France eût certainement vu avec plaisir l’avènement de l’un d’eux, et surtout du prince Georges, brillant officier de son armée, que signalaient le charme de sa personne, sa vaillance et un remarquable talent d’écrivain. Mais, bons fils et bons patriotes, ils s’étaient rappelé que leur père avait le premier, pendant son règne[1], prononcé le mot de Principautés Unies ; soutenu le premier dans le Divan ad hoc, l’union sous un prince étranger, et cela, quoiqu’il eut obtenu une imposante majorité en Valachie ; enfin, qu’il avait contribué plus que personne à créer l’unanimité autour de la candidature de Couza, bien qu’elle eût été inventée contre la sienne. Le prince Brancovan, présent depuis une dizaine de jours à Bucharest, ayant été empêché par la maladie de prendre part au scrutin, vint dès le lendemain porter son adhésion et offrir ses services à la lieutenance princière. Il ne crut pas nécessaire d’adhérer publiquement au plébiscite ; aux ministres qui le lui demandaient, ii se contenta de rappeler fièrement ses services : depuis sept ans, il n’avait cessé de lutter, par sa fortune et par son influence, auprès du ministère des Affaires étrangères et de l’Empereur ; le pacte de la conspiration avait été signé dans sa maison ; il lui eût été facile de se faire élire, il ne l’avait pas voulu.


X

Le soir du dépouillement du scrutin plébiscitaire, Bratiano expédie à Dusseldorf le télégramme suivant : « Cinq millions de Roumains acclament pour leur souverain le prince Charles, fils de Votre Altesse royale ; tous les temples sont ouverts, et la voix du clergé s’élève avec celle du peuple tout entier vers l’Éternel

  1. Le prince Georges Bibesco a écrit sur le gouvernement de son père un beau livre qui est à la fois un acte touchant de piété filiale et une très intéressante restitution historique.