Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/794

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rien ; et, comme je suis certain que cette autorisation ne me sera pas accordée si je ne me suis pas préalablement assuré l’assentiment de Napoléon III, il n’y a aucune communication à faire à Berlin avant que vous ayez obtenu cet assentiment. » Mme Cornu s’en chargea et l’obtint. L’Empereur avait déjà de la bienveillance pour une famille qui lui était alliée ; mais il eût suffi qu’elle se rattachât à la famille royale de Prusse pour qu’elle fût assurée de ses bonnes grâces.

Bratiano, sûr de Napoléon III, se rendit à Dusseldorf auprès du prince Antoine (30 mars 1806). Il lui annonça que, suivant en cela l’avis de l’empereur Napoléon, il avait l’intention de proposer au peuple roumain l’élection de son second fils Charles. Le jeune prince, en garnison à Berlin, se trouvait opportunément en congé chez son père. Bratiano put donc s’aboucher directement avec son candidat et lui faire ses propositions. Le prince, après quelques excuses de modestie, répondit ce que son père avait dit : « qu’il ne pouvait prendre aucun engagement précis, parce qu’il ignorait les intentions du roi de Prusse, CHEF DE LA FAMILLE, SANS LA PERMISSION DUQUEL il ne pouvait entreprendre un pas aussi important[1]. »

Il pria donc Bratiano de ne pas continuer de nouvelles démarches pour le moment. Celui-ci repartit pour Paris rendre compte à Mme Cornu et, par elle, à l’Empereur de l’issue de sa démarche. Il alla ensuite à Bucharest organiser la manifestation plébiscitaire qui permettrait de solliciter et d’obtenir l’agrément indispensable du roi de Prusse.

Ainsi, à leur première apparition sur la scène européenne, les Hohenzollern-Sigmaringen, loin de contester leur subordination, leur devoir d’obéissance, l’affirment, comme ils n’ont cessé de le faire depuis en toute occasion, sentant que cette union avec la couronne de Prusse était pour eux une force, un prestige, une gloire.


IX

La manœuvre plébiscitaire de Bratiano eut un plein succès. Un moment une émeute séparatiste à Jassy troubla le scrutin : l’archevêque, revêtu de ses vêtemens sacerdotaux, marchait à la

  1. Mémoires du prince Charles de Roumanie, traduction française faite à Bucarest, tome I, p. 6.