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par des actes nommés Chrysobulles aux Lieux-Saints, c’est-à-dire aux quatre sièges patriarcaux de l’Eglise grecque, aux communautés du mont Sinaï, du mont Athos et de diverses provinces de la Roumélie. Ces couvens étaient administrés par des Hégoumènes nommés par les communautés et les patriarches grecs. Pendant bien longtemps, leurs privilèges n’avaient pas été contestés et ils avaient même été accrus par les princes phanariotes. En 1821, les hégoumènes employèrent leurs revenus à soudoyer des corps francs au profit de la Grèce insurgée. Le gouvernement turc exigea par un firman leur expulsion et leur remplacement par des moines indigènes. En 1827, un hatti-cherif de pardon effaça ce passé.

Les princes roumains prétendaient que ces couvens étaient soumis à leur surveillance, non seulement comme toutes les propriétés quelconques de leur domination, mais d’une manière toute spéciale. — Les couvens, disaient-ils, avaient été fondés sous certaines conditions, par exemple, l’obligation de nourrir et de doter des filles indigentes, d’ériger des hospices d’aliénés, de donner l’hospitalité aux pèlerins et voyageurs, de tenir table ouverte pour les pauvres, de répandre des aumônes, d’avoir une typographie pour l’impression des ouvrages ecclésiastiques, etc. ; ce n’est qu’après avoir accompli ces conditions, et largement pourvu à l’entretien des édifices religieux et aux frais du culte, que l’excédent des revenus pouvait être envoyé aux monastères des Lieux-Saints. Il appartenait à la puissance territoriale de veiller à l’exécution des chrysobulles d’institution. Or, ces actes étaient ouvertement violés : les moines envoyaient d’abord leurs subsides aux Lieux Saints, laissaient dépérir les monastères de la Roumanie, ne subvenaient à aucune des charges qui leur étaient imposées. Les princes roumains entendaient faire cesser ces abus.

Les Pères grecs opposèrent leur droit de propriété jusque-là incontesté sur les couvens dédiés, droit de propriété sur lequel l’Etat n’avait pas plus de surveillance à exercer que sur toute autre propriété roumaine ; ils contestèrent véhémentement qu’ils eussent manqué à aucune des conditions stipulées dans les fondations. Et, comme les princes les menaçaient d’imposer leur volonté par la force, ils réclamèrent contre cette menace la protection de la puissance suzeraine, la Turquie, et celle de la Russie, qui s’était investie du protectorat du culte grec. Le débat, jusque-là purement intérieur, devint international et fut soumis au