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Alvensleben et Goltz, venu exprès de Paris. Guillaume présenta un exposé très irrité du différend : — Ce qui se passait dans le Holstein était une preuve non douteuse de la haine de l’Autriche. Cette conduite devait cesser même au prix d’une guerre. — Bismarck fit le tableau de tous les procédés dont on avait à se plaindre pendant les dernières années : la guerre était inévitable en tous cas ; il était plus sage de l’entreprendre dans la situation favorable actuelle que de laisser à l’Autriche la possibilité de choisir l’heure. Manteuffel fit remarquer qu’en fait, dans les Duchés on était à l’état de guerre, et c’était la prudence seule de Gablentz, le commandant autrichien, qui l’avait empêché d’éclater déjà. — Goltz raconta qu’avant son départ il avait interrogé Drouyn de Lhuys et l’Empereur afin de savoir si, dans les complications nouvelles, la France conserverait la même neutralité bienveillante. Drouyn de Lhuys en avait donné l’assurance. Ces dispositions n’avaient pas changé, mais à la suite des dissentimens actuels, des intérêts plus généraux pourraient se trouver mis en cause : alors il examinerait ce que les convenances françaises conseilleraient. Mais rien ne faisait encore prévoir de semblables conjonctures ; il était impossible de tracer une politique et à plus forte raison de prendre des engagemens sur une éventualité qui pourrait ne pas se réaliser. « Le cabinet de Berlin sait d’ailleurs que notre gouvernement n’est animé envers la Prusse d’aucun sentiment de rivalité ou d’envie et qu’il reconnaît pleinement la part légitime d’influence qui lui appartient en Allemagne. » Ces déclarations tournaient au rabâchage. — L’Empereur avait répété les mêmes assurances, toutefois avec une nuance de sympathie affectueuse : « N’accordez jamais d’importance, disait-il à Goltz, à des informations de journaux relatives à un rapprochement" entre Vienne et Paris. Des affirmations de ce genre, émanant même d’un de mes ministres, n’auraient pas d’importance : je sais seul ce que sera la politique extérieure de la France. »

Moltke déclara que la condition essentielle pour un succès vraisemblablement certain était la coopération militaire de l’Italie : l’Autriche, par son plus grand effort, mettrait en ligne 24 0000 hommes, auxquels la Prusse, grâce au concours italien, pourrait opposer un effectif égal, sans appeler la Landwehr, et 5 0000 hommes seraient encore disponibles contre la Bavière et les autres États du Sud allemands. Bismarck ne fut pas d’avis que la