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sait sans frémir la regarder en face. Mais il est incapable de braver celle au-devant de laquelle il faut marcher sans que les jambes défaillent et que la vue se trouble. Il n’est pas rare que des soldats se suicident pour ne pas affronter le combat. La peur est une maladie : comme les autres, elle a sa prophylaxie (Mosso, Physiologie de la peur). Elle consiste dans le développement méthodique des aptitudes physiques, de la volonté, de l’énergie chez l’enfant et le jeune homme.

Dans cet ordre d’idées, la mère de famille d’abord, le maître d’école ensuite, doivent exercer un véritable sacerdoce. Le régiment est impuissant à faire naître ces qualités ; l’esprit de sacrifice ne s’acquiert pas avec des théories dans les chambres. L’action des officiers ne fait que le développer en donnant l’instruction technique, et en se gardant de diminuer, sous prétexte de discipline, l’initiative et l’individualisme du jeune homme devenu soldat.

Les armes nouvelles sont presque sans valeur aux mains des soldats au cœur faible, et cela quel que soit leur nombre. Au contraire, la puissance démoralisante du tir rapide et sans fumée, dont certaines armées s’obstinent encore à ne pas vouloir se rendre compte, se manifeste sur l’adversaire avec d’autant plus de force que chaque combattant possède plus de valeur et de froide énergie.

C’est donc au développement des forces morales de la nation qu’il faut surtout travailler. Seules, elles soutiendront plus tard le soldat dans l’angoissante épreuve de la bataille où la mort vient de l’invisible.

C’est là le plus important des enseignemens de la guerre sud-africaine. Les nations peu peuplées y trouveront la preuve qu’en préparant la jeunesse à ses devoirs de soldat et en exaltant le cœur de tous jusqu’à la volonté du sacrifice, elles sont certaines de vivre libres ; mais seulement à ce prix.

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